Monsieur HUBERT-BEUVE MERY doit se remuer dans sa tombe, vu la dégradation éthique et morale qui va de la Direction du journal “Le Monde” à plusieurs de ses journalistes.
Par Eugénie Bastié pour Le Figaro
Dans les locaux encore flambant neufs du journal Le Monde , immeuble-pont jouxtant la gare d’Austerlitz, on ne vit qu’en open space. Même les directeurs n’ont pas de bureaux fermés. Transparence et horizontalité obligent, quand on se proclame le « journal de référence ». Ce qui flatte le sentiment d’égalité ne favorise pas pour autant le dialogue et l’échange. Et dans cette rédaction ouverte et prestigieuse qui fête tout juste ses 80 ans, les non-dits s’accumulent. « C’est un journal où les gens sont persuadés de ne pas avoir de corps, qui se prétend neutre. Donc quand ça explose, c’est dix fois plus violent » analyse un cadre de la rédaction. « Les gens ont peur, c’est l’omerta » témoigne une autre journaliste. Depuis un an, une colère sourde existe aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du journal quant à la façon dont celui-ci traite le conflit entre Israël et le Hamas. La loi du silence règne au sein de la rédaction: preuve en est, tous les journalistes que nous avons contactés pour cette enquête ont préféré conserver l’anonymat.
Retrouvez les chroniques, les analyses et les tribunes qui animent le monde des idées et l’actualité. Garanti sans langue de bois.S’INSCRIRE
Une frange de la rédaction prend ouvertement le parti des Palestiniens. Ce qui n’est pas nouveau dans un journal propalestinien depuis toujours. Ce qui est plus problématique est l’indulgence manifestée envers les bourreaux du Hamas et la haine affichée de l’État hébreu. Au cœur de ces bureaux aseptisés de verre et d’acier, dans le service société du journal un mur entier surmonté d’un autocollant « stop génocide » est consacré à Gaza. Ceux qui ont fabriqué ce patchwork ont mêlé coupures de presse sur le massacre en cours, photos d’enfants mutilés, une chronologie titrée « ne laissez personne vous dire que ça a commencé le 7 octobre 2023 », avec la litanie des crimes imputés à Israël. Des caricatures affichées frisent l’antisémitisme ou le complotisme : une femme pleurant son enfant mort dans ses bras devant une forêt de micros avec cette légende « Mais condamnez-vous le Hamas ? » suggérant un unanimisme médiatique imposé, une statue de liberté vêtue d’un drapeau israélien taché de sang tenant à bout de bras un enfant palestinien mort, une autre caricature représentant une main tenant un produit avec l’étiquette « Nettoyage ethnique » vaporisant du sang sur une carte de la Palestine avec cette mention « ça n’a jamais été un conflit, ça toujours été un génocide ».
L’émotion envers ce qui se passe à Gaza est tout à fait légitime. Mais a-t-elle sa place au cœur d’une rédaction? Qui plus est quand elle est exprimée dans des termes violents et complotistes? «En aucun cas cet engagement individuel n’est celui du service Société ou de la rédaction dans son ensemble», nous répond la direction du journal.
« J’avoue que chaque fois que je passe devant, ça me trouble. C’est trash. » raconte une journaliste au Figaro. « Afficher une opinion aussi tranchée sur un conflit d’une telle complexité, au cœur de la rédaction d’un journal qui prétend avoir la religion des faits, ça pose question. Est-ce qu’on tolérerait ça sur un autre conflit ? » ajoute-t-elle, affirmant qu’elle serait tout aussi choquée qu’on affiche les images des otages israéliens. Ce « mur de Gaza » qui choque une partie de la rédaction n’est qu’un aperçu des divisions qui minent le journal depuis l’attaque du Hamas.
Afficher une opinion aussi tranchée sur un conflit d’une telle complexité, au cœur de la rédaction d’un journal qui prétend avoir la religion des faits, ça pose question. Est-ce qu’on tolérerait ça sur un autre conflit ?Une journaliste du Monde
Plusieurs personnes évoquent une réunion de prévision du jeudi, où sont présents une trentaine de cadres du journal au cours de laquelle il aurait été dit : « On a un problème avec la communauté juive, ils sont hostiles ». « Étant donné la précaution langagière à l’égard des minorités généralement utilisée dans ce journal, c’est assez étonnant » souffle une journaliste.
Le 9 octobre, deux jours seulement après l’attaque, une grande plume du journal s’adresse à une journaliste juive de la rédaction en lui lançant :« C’est mal parti pour ton Alyah » (NDLR: terme désignant l’acte d’immigration en Terre d’Israël par un Juif) . Ambiance, alors que sur les murs des couloirs des affichettes proclament : « Ne laissons pas passer les remarques discriminatoires. »
La couverture partiale du conflit tourne parfois à la polémique. Le 7 octobre 2024, jour anniversaire des attaques, une «une» du Monde circule sur les réseaux sociaux : « Édition spéciale, Gaza écrasée par un an de guerre et de chaos ». Le journal qui sort le soir avait publié son édition sur l’anniversaire de l’attaque la veille. Mais ce journal du daté 8 octobre, sorti le lundi, fait le bilan de l’offensive lancée par l’État israélien contre le Hamas.
Ce sous-titre: « un an après le début de l’offensive lancée par les Israéliens en représailles aux attaques terroristes du Hamas » est factuellement contestable. Le premier raid dans la bande de Gaza a lieu le 13 octobre, avant qu’une véritable offensive terrestre se déclenche le 24 octobre. Pourquoi avoir absolument voulu rappeler les horreurs de la guerre à Gaza le jour même de l’anniversaire des atrocités commise par le Hamas ? De nombreuses personnalités témoignent leur indignation. Maladresse ? Mauvaise foi ? Expression d’un tropisme pro palestinien ? Après cette « une », le journal connaît une vague de désabonnements dont il est difficile de connaître l’ampleur, mais suffisamment importante pour alerter en interne. C’est que cet incident n’est pas le premier.
« Même Libé est plus pluraliste que nous ! »
Quelques jours après le 7 octobre, le journal avait déjà dû faire un rectificatif concernant sa couverture du bombardement de l’hôpital Al-Ahli, après avoir imputé à l’armée israélienne une explosion qui s’avérera être le fruit d’un tir de roquettes palestinien. Le Monde publiera également un rectificatif après avoir qualifié Hassan Nasrallah de « martyr » dans sa nécrologie, invoquant une « erreur typographique ». « Le New York Times est bien plus équilibré que Le Monde dans sa couverture du conflit » avance un ancien administrateur du journal qui cite le travail du quotidien américain sur la documentation des viols commis le 7 octobre. Un travail que n’a jamais fait le Monde, qui s’est contenté de reprendre des rapports écrits par des ONG sur ce sujet. « Même Libération est plus pluraliste que nous ! Ils ont fait une “une” sur les viols du 7 octobre » ajoute un journaliste de la rédaction outré par la ligne de son journal.
D’autres soulignent l’hypocrisie de l’éditorial du 11 octobre 2023 qualifiant Jean-Luc Mélenchon de « problème » parce que lui et ses proches refusaient de traiter le Hamas de « terroriste » alors même que le service international du journal s’échine continuellement dans ses pages à ne pas employer ce mot pour désigner le Hamas, tantôt qualifié de « mouvement palestinien » ou d’ « islamiste ». D’ailleurs, dans le grand portrait sur Yahya Sinouar publié le jour de sa mort (17 octobre 2024), le terme est soigneusement évité. On trouve même dans d’autres articles, sans guillemets, l’expression « axe de la résistance » pour désigner les ennemis d’Israël.
En juin 2024, une tribune publiée dans les pages débats par l’historien Vincent Lemire et l’avocat Arié Alimi faisait la distinction entre un antisémitisme de gauche « contextuel, populiste, électoraliste et instrumentalisé » et un antisémitisme d’extrême droite qui serait « ontologique ». Une hiérarchie des haines qui avait suscité un tollé, obligeant le journal à publier quelques jours plus tard une seconde tribune d’universitaires (parmi lesquels Pascal Ory et Michelle Perrot) intitulée : «Une partie de la gauche radicale a disséminé un antisémitisme virulent et subverti les valeurs qu’elle prétend défendre ».
D’aucuns pointent du doigt un service international entièrement axé sur une ligne propalestinienne des plus radicales, et notamment son rédacteur en chef adjoint Benjamin Barthe. Ils relèvent les prises de position ouvertement antisémites et complotistes de sa femme Muzna Shihabi. Cette ex-négociatrice de l’OLP, que le journaliste a rencontrée lorsqu’il était correspondant à Ramallah, postait ceci le 7 octobre 2023, quelques heures après que les parapentes du Hamas ont fondu sur la fête de Nova pour massacrer les jeunes qui y dansaient : « Ils ont longtemps rêvé de voler, de sentir la liberté et de voir leurs villes d’origine en Palestine. Ils sont majoritairement réfugiés et interdits de retour chez eux. Ce sont les jeunes de Gaza ». Ou encore, toujours le 7 octobre « C’est la journée internationale de la surprise ».
Le jour de la mort d’Ismaël Haniyeh, chef du Hamas qui s’est réjoui publiquement du 7 octobre elle écrit sa tristesse : « que dieu ait pitié de lui et de tous nos martyrs, que Dieu détruise le régime sioniste ». Il y a quelques jours encore Benjamin Barthe partageait sur son compte X une tribune publiée par le journal Le Monde «La loi sur l’apologie du terrorisme de 2014 doit être réformée ». Peur qu’elle s’applique à sa femme ?
Elle surnomme les juifs propalestiniens « self-hating Jews » et accuse Emmanuel Macron d’être sous l’emprise du CRIF. Muzna Shihabi a été évincée de l’association CARE où elle travaillait pour ses propos violemment anti-israéliens. Elle qualifie l’humoriste de France Inter Sophia Aram d’«aram de service », une référence à l’expression « arabe de service » utilisée pour qualifier toute personne issue de l’immigration n’adoptant pas le narratif islamo-gauchiste. « Je ne suis pas du tout militante, je suis une simple palestinienne qui raconte sa vie » ose tout de même affirmer Muzna Shihabi devant les caméras d’Al Jazeera venus filmer cette victime de la « censure ».
On la voit chez elle (et donc chez Benjamin Barthe) poser devant des affiches « Free Palestine ». Chez eux à Ramallah, c’était le portrait de Yasser Arafat qui ornait la chambre à coucher. Elle est si peu militante qu’on la voit aux côtés du NPA, du BDS, de la LDH et d’Urgence Palestine dans des réunions publiques. Elle rencontre même à Paris Francesca Albanese la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires occupés.
Au Proche-Orient, cette guerre qui ne veut pas finir : retrouvez Le Club Le Figaro International
« Conflit d’intérêts apparent »
Un journaliste de la rédaction a saisi la Société des rédacteurs du monde (SRM) quelques jours après le 7 octobre après avoir découvert, effaré, ce que la femme de Benjamin Barthe postait sur X. Ce dernier est convoqué et se défend en affirmant qu’on ne peut pas lui attribuer les propos de son épouse. « Imaginez qu’en lieu et place du Hamas ce soient les forces israéliennes qui soient entrées à Gaza pour faire des actions similaires à celles du 7 octobre et que ma femme tweetait ’Super les Israéliens rentrent chez eux ’ qu’est-ce qu’on aurait dit ?» peste un journaliste chevronné du quotidien qui tient à conserver l’anonymat.
Benjamin Barthe affirme que lui et sa femme ne s’influencent pas forcément mutuellement. Quand on lit les articles et les prises de position sur les réseaux sociaux de Benjamin Barthe, on peut néanmoins en douter. Le rédacteur en chef adjoint des pages internationales semble littéralement obsédé par Gaza, évoquant sans cesse le « génocide » . Son portrait de Rima Hassan est de l’avis d’un journaliste « humiliant pour la rédaction » et « digne d’un attaché de presse » tant il était flagorneur.
Intitulé «le choix de l’insoumission » , le portrait louait l’« aisance », la « répartie », les « argumentaires affûtés » de la jeune femme. Rien sur ses nombreuses fake news et dérapages antisémites. Quand l’ambassade israélienne organise des projections sur les massacres du 7 octobre, Benjamin Barthe refuse de s’y rendre. Celui qui orchestre la couverture du conflit au Proche Orient au Monde exprime son « soutien » à l’islamologue François Burgat, accusé d’apologie de terrorisme après avoir déclaré : «J’ai infiniment, je dis bien infiniment plus de respect et de considération pour les dirigeants du Hamas que pour ceux de l’État d’Israël».
Le 4 mai 2024, à 10h33 Muzna Shihabi tweete « La France complice du génocide ne laisse pas rentrer un docteur palestinien pour raconter ce qu’il a vu à Gaza. » 20 minutes plus tard Benjamin Barthe tweete: « Le médecin palestino-britannique Gasshan Abu Sitta vient d’être refoulé à son arrivée à l’aéroport Charles de Gaulle ». À 13h33, un article paraît sur le site du monde, signé par Benjamin Barthe « Le médecin palestinien Gasshan Abu Sitta, témoin de l’enfer de Gaza, interdit d’entrée sur le territoire français » (NDLR : le médecin en question a été interdit d’espace Schengen par l’Allemagne, la France ne fait qu’appliquer l’état de droit). Si ce n’est de l’influence, disons que c’est de l’inspiration…
Peut-il y avoir un conflit d’intérêts au sein d’un couple ? Il se trouve que la question s’est posée pour une autre journaliste du Monde. Quelques mois après la convocation de Benjamin Barthe, la chef du service politique du Monde Ivanne Trippenbach, conjointe d’un conseiller d’Attal alors fraîchement nommé à Matignon, a démissionné de ses fonctions après l’émoi suscité en interne quant à un conflit d’intérêt qu’elle pourrait avoir avec son conjoint. Un deux poids, deux mesures qui interroge. « Tout le monde a trouvé évident qu’une femme puisse être influencée par son mari, mais qu’un homme puisse être influencé par sa femme, ça n’existe pas ? grince un journaliste de la rédaction. Et après, Le Monde va donner des leçons de féminisme ». Cette situation « n’avait rien à voir avec celle de Benjamin Barthe » nous dit la direction sans avancer davantage d’arguments.
Après plusieurs articles évoquant le cas Benjamin Barthe, notamment dans Le Point et Valeurs actuelles, et face au silence persistant de la direction, une dizaine de journalistes, parmi lesquels deux anciens directeurs de la SRM et deux chefs de service, mais aussi un prix Albert Londres décident d’adresser une lettre pour alerter la direction. Le « comité d’éthique et de déontologie du groupe Le Monde » (une instance que le journal de référence se targue d’être le seul à posséder) s’est autosaisi et a rendu un avis le 22 novembre 2024. C’est la première fois de l’histoire du journal qu’un avis était rendu sur un journaliste du Monde. Résultat ? Le comité qualifie de « campagne d’intimidation » les révélations sur la vie conjugale de Benjamin Barthe. «Rien ne vient étayer la critique selon laquelle son épouse, par ses prises de position, aurait eu une influence sur le travail journalistique de Benjamin Barthe » Circulez, il n’y a rien à voir. La publication de cet avis a été enterrée bien profondément sur le site du Monde et peu commenté. Quelqu’un l’a bien repérée toutefois. Muzna Shihabi, qui a tweeté : « Fini l’intimidation ! »
Forteresse assiégée
« Il y a un côté forteresse assiégée. Ils pensent que si Bolloré et la communauté juive nous attaquent c’est qu’on a forcément raison » soupire un cadre de la rédaction. Mais bizarrement, malgré les attaques dont il est l’objet à l’extérieur, la SRM n’a pas pris le parti de défendre Benjamin Barthe publiquement. Preuve que le malaise est bel et bien grandissant.
En l’état actuel des choses, Le Monde ne peut plus prétendre être le journal de référence, c’est une formule usurpée. C’est un journal qui porte une ligne idéologique et qui a tendance à faire silence sur le point de vue des autresDominique Reynié
« Le cas Benjamin Barthe, c’est le sparadrap du capitaine Haddock. La direction sait qu’elle a merdé, mais elle est pétrifiée » confie un journaliste. Une autre se dit attristée que le conflit n’ait pas pu se régler en interne. « Ce n’est pas un petit sujet. Tout le monde en parle dans les couloirs, mais on n’en a jamais vraiment discuté au sein de la rédaction. Pourquoi ça crispe autant ? » s’interroge-t-elle. Un autre évoque un conflit générationnel, avec une jeune génération wokisée qui suit l’agenda politique de Jean-Luc Mélenchon. « C’est la première fois qu’il y a un tel clivage générationnel au sein de la rédaction. Entre les moins de quarante et les plus de quarante ans. La jeune génération est très à gauche. » La direction serait trop faible, tétanisée par l’idée de devoir prendre un parti, incapable d’agir face aux orientations idéologiques de certains membres de la rédaction.
Contacté par Le Figaro, le directeur du Monde Jérôme Fenoglio défend Benjamin Barthe «, un excellent spécialiste du Proche Orient, visé depuis des mois par une campagne virulente qui cherche de fait à infléchir notre couverture du conflit en cours». Il défend cette dernière, dans la droite ligne « des principes qui nous guident depuis 80 ans »: « La défense indéfectible de l’existence d’Israël, enracinée dans la prise de conscience de la Shoah et dans un rejet résolu de l’antisémitisme» et « la défense des droits légitimes des Palestiniens à une autodétermination qui les conduirait à disposer de leur propre État ».
Le directeur de la Fondapol, Dominique Reynié, dont les travaux précurseurs sur l’antisémitisme arabo-musulman avaient été conspués dans le journal par l’universitaire Nonna Mayer qui l’accusait de manquer de rigueur, ne mâche pas ces mots: « En l’état actuel des choses, Le Monde ne peut plus prétendre être le journal de référence, c’est une formule usurpée. C’est un journal qui porte une ligne idéologique et qui a tendance à faire silence sur le point de vue des autres, que ce soit sur l’insécurité, l’immigration ou l’antisémitisme. Et ce avec un sentiment de supériorité morale qui le conduit à disqualifier et mépriser le travail des autres.»
Dans un forum en ligne avec les lecteurs du Monde il y a quelques mois, le Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles Van Kote avait répondu ainsi à un abonné qui l’interrogeait sur la gauchisation du journal : « Ce que je constate, c’est qu’une partie du lectorat du Monde s’est droitisée, tout comme l’ensemble de la société. Alors que j’aurais plutôt tendance à penser que Le Monde est resté fidèle à son socle de valeurs, ce qui peut conduire certains à considérer qu’il s’est gauchisé. Tout dépend donc du point de vue : est-ce le bateau qui bouge ou bien le paysage ? »
En attendant, le paquebot tangue plus qu’il ne voudrait le faire croire.
ans les locaux encore flambant neufs du journal Le Monde , immeuble-pont jouxtant la gare d’Austerlitz, on ne vit qu’en open space. Même les directeurs n’ont pas de bureaux fermés. Transparence et horizontalité obligent, quand on se proclame le « journal de référence ». Ce qui flatte le sentiment d’égalité ne favorise pas pour autant le dialogue et l’échange. Et dans cette rédaction ouverte et prestigieuse qui fête tout juste ses 80 ans, les non-dits s’accumulent. « C’est un journal où les gens sont persuadés de ne pas avoir de corps, qui se prétend neutre. Donc quand ça explose, c’est dix fois plus violent » analyse un cadre de la rédaction. « Les gens ont peur, c’est l’omerta » témoigne une autre journaliste. Depuis un an, une colère sourde existe aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du journal quant à la façon dont celui-ci traite le conflit entre Israël et le Hamas. La loi du silence règne au sein de la rédaction: preuve en est, tous les journalistes que nous avons contactés pour cette enquête ont préféré conserver l’anonymat.
Retrouvez les chroniques, les analyses et les tribunes qui animent le monde des idées et l’actualité. Garanti sans langue de bois.S’INSCRIRE
Une frange de la rédaction prend ouvertement le parti des Palestiniens. Ce qui n’est pas nouveau dans un journal propalestinien depuis toujours. Ce qui est plus problématique est l’indulgence manifestée envers les bourreaux du Hamas et la haine affichée de l’État hébreu. Au cœur de ces bureaux aseptisés de verre et d’acier, dans le service société du journal un mur entier surmonté d’un autocollant « stop génocide » est consacré à Gaza. Ceux qui ont fabriqué ce patchwork ont mêlé coupures de presse sur le massacre en cours, photos d’enfants mutilés, une chronologie titrée « ne laissez personne vous dire que ça a commencé le 7 octobre 2023 », avec la litanie des crimes imputés à Israël. Des caricatures affichées frisent l’antisémitisme ou le complotisme : une femme pleurant son enfant mort dans ses bras devant une forêt de micros avec cette légende « Mais condamnez-vous le Hamas ? » suggérant un unanimisme médiatique imposé, une statue de liberté vêtue d’un drapeau israélien taché de sang tenant à bout de bras un enfant palestinien mort, une autre caricature représentant une main tenant un produit avec l’étiquette « Nettoyage ethnique » vaporisant du sang sur une carte de la Palestine avec cette mention « ça n’a jamais été un conflit, ça toujours été un génocide ».
L’émotion envers ce qui se passe à Gaza est tout à fait légitime. Mais a-t-elle sa place au cœur d’une rédaction? Qui plus est quand elle est exprimée dans des termes violents et complotistes? «En aucun cas cet engagement individuel n’est celui du service Société ou de la rédaction dans son ensemble», nous répond la direction du journal.
« J’avoue que chaque fois que je passe devant, ça me trouble. C’est trash. » raconte une journaliste au Figaro. « Afficher une opinion aussi tranchée sur un conflit d’une telle complexité, au cœur de la rédaction d’un journal qui prétend avoir la religion des faits, ça pose question. Est-ce qu’on tolérerait ça sur un autre conflit ? » ajoute-t-elle, affirmant qu’elle serait tout aussi choquée qu’on affiche les images des otages israéliens. Ce « mur de Gaza » qui choque une partie de la rédaction n’est qu’un aperçu des divisions qui minent le journal depuis l’attaque du Hamas.
Afficher une opinion aussi tranchée sur un conflit d’une telle complexité, au cœur de la rédaction d’un journal qui prétend avoir la religion des faits, ça pose question. Est-ce qu’on tolérerait ça sur un autre conflit ?Une journaliste du Monde
Plusieurs personnes évoquent une réunion de prévision du jeudi, où sont présents une trentaine de cadres du journal au cours de laquelle il aurait été dit : « On a un problème avec la communauté juive, ils sont hostiles ». « Étant donné la précaution langagière à l’égard des minorités généralement utilisée dans ce journal, c’est assez étonnant » souffle une journaliste.
Le 9 octobre, deux jours seulement après l’attaque, une grande plume du journal s’adresse à une journaliste juive de la rédaction en lui lançant :« C’est mal parti pour ton Alyah » (NDLR: terme désignant l’acte d’immigration en Terre d’Israël par un Juif) . Ambiance, alors que sur les murs des couloirs des affichettes proclament : « Ne laissons pas passer les remarques discriminatoires. »
La couverture partiale du conflit tourne parfois à la polémique. Le 7 octobre 2024, jour anniversaire des attaques, une «une» du Monde circule sur les réseaux sociaux : « Édition spéciale, Gaza écrasée par un an de guerre et de chaos ». Le journal qui sort le soir avait publié son édition sur l’anniversaire de l’attaque la veille. Mais ce journal du daté 8 octobre, sorti le lundi, fait le bilan de l’offensive lancée par l’État israélien contre le Hamas.
Ce sous-titre: « un an après le début de l’offensive lancée par les Israéliens en représailles aux attaques terroristes du Hamas » est factuellement contestable. Le premier raid dans la bande de Gaza a lieu le 13 octobre, avant qu’une véritable offensive terrestre se déclenche le 24 octobre. Pourquoi avoir absolument voulu rappeler les horreurs de la guerre à Gaza le jour même de l’anniversaire des atrocités commise par le Hamas ? De nombreuses personnalités témoignent leur indignation. Maladresse ? Mauvaise foi ? Expression d’un tropisme pro palestinien ? Après cette « une », le journal connaît une vague de désabonnements dont il est difficile de connaître l’ampleur, mais suffisamment importante pour alerter en interne. C’est que cet incident n’est pas le premier.
« Même Libé est plus pluraliste que nous ! »Quelques jours après le 7 octobre, le journal avait déjà dû faire un rectificatif concernant sa couverture du bombardement de l’hôpital Al-Ahli, après avoir imputé à l’armée israélienne une explosion qui s’avérera être le fruit d’un tir de roquettes palestinien. Le Monde publiera également un rectificatif après avoir qualifié Hassan Nasrallah de « martyr » dans sa nécrologie, invoquant une « erreur typographique ». « Le New York Times est bien plus équilibré que Le Monde dans sa couverture du conflit » avance un ancien administrateur du journal qui cite le travail du quotidien américain sur la documentation des viols commis le 7 octobre. Un travail que n’a jamais fait le Monde, qui s’est contenté de reprendre des rapports écrits par des ONG sur ce sujet. « Même Libération est plus pluraliste que nous ! Ils ont fait une “une” sur les viols du 7 octobre » ajoute un journaliste de la rédaction outré par la ligne de son journal.
D’autres soulignent l’hypocrisie de l’éditorial du 11 octobre 2023 qualifiant Jean-Luc Mélenchon de « problème » parce que lui et ses proches refusaient de traiter le Hamas de « terroriste » alors même que le service international du journal s’échine continuellement dans ses pages à ne pas employer ce mot pour désigner le Hamas, tantôt qualifié de « mouvement palestinien » ou d’ « islamiste ». D’ailleurs, dans le grand portrait sur Yahya Sinouar publié le jour de sa mort (17 octobre 2024), le terme est soigneusement évité. On trouve même dans d’autres articles, sans guillemets, l’expression « axe de la résistance » pour désigner les ennemis d’Israël.
En juin 2024, une tribune publiée dans les pages débats par l’historien Vincent Lemire et l’avocat Arié Alimi faisait la distinction entre un antisémitisme de gauche « contextuel, populiste, électoraliste et instrumentalisé » et un antisémitisme d’extrême droite qui serait « ontologique ». Une hiérarchie des haines qui avait suscité un tollé, obligeant le journal à publier quelques jours plus tard une seconde tribune d’universitaires (parmi lesquels Pascal Ory et Michelle Perrot) intitulée : «Une partie de la gauche radicale a disséminé un antisémitisme virulent et subverti les valeurs qu’elle prétend défendre ».
D’aucuns pointent du doigt un service international entièrement axé sur une ligne propalestinienne des plus radicales, et notamment son rédacteur en chef adjoint Benjamin Barthe. Ils relèvent les prises de position ouvertement antisémites et complotistes de sa femme Muzna Shihabi. Cette ex-négociatrice de l’OLP, que le journaliste a rencontrée lorsqu’il était correspondant à Ramallah, postait ceci le 7 octobre 2023, quelques heures après que les parapentes du Hamas ont fondu sur la fête de Nova pour massacrer les jeunes qui y dansaient : « Ils ont longtemps rêvé de voler, de sentir la liberté et de voir leurs villes d’origine en Palestine. Ils sont majoritairement réfugiés et interdits de retour chez eux. Ce sont les jeunes de Gaza ». Ou encore, toujours le 7 octobre « C’est la journée internationale de la surprise ».
Le jour de la mort d’Ismaël Haniyeh, chef du Hamas qui s’est réjoui publiquement du 7 octobre elle écrit sa tristesse : « que dieu ait pitié de lui et de tous nos martyrs, que Dieu détruise le régime sioniste ». Il y a quelques jours encore Benjamin Barthe partageait sur son compte X une tribune publiée par le journal Le Monde «La loi sur l’apologie du terrorisme de 2014 doit être réformée ». Peur qu’elle s’applique à sa femme ?
Elle surnomme les juifs propalestiniens « self-hating Jews » et accuse Emmanuel Macron d’être sous l’emprise du CRIF. Muzna Shihabi a été évincée de l’association CARE où elle travaillait pour ses propos violemment anti-israéliens. Elle qualifie l’humoriste de France Inter Sophia Aram d’«aram de service », une référence à l’expression « arabe de service » utilisée pour qualifier toute personne issue de l’immigration n’adoptant pas le narratif islamo-gauchiste. « Je ne suis pas du tout militante, je suis une simple palestinienne qui raconte sa vie » ose tout de même affirmer Muzna Shihabi devant les caméras d’Al Jazeera venus filmer cette victime de la « censure ».
On la voit chez elle (et donc chez Benjamin Barthe) poser devant des affiches « Free Palestine ». Chez eux à Ramallah, c’était le portrait de Yasser Arafat qui ornait la chambre à coucher. Elle est si peu militante qu’on la voit aux côtés du NPA, du BDS, de la LDH et d’Urgence Palestine dans des réunions publiques. Elle rencontre même à Paris Francesca Albanese la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires occupés.
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« Conflit d’intérêts apparent »
Un journaliste de la rédaction a saisi la Société des rédacteurs du monde (SRM) quelques jours après le 7 octobre après avoir découvert, effaré, ce que la femme de Benjamin Barthe postait sur X. Ce dernier est convoqué et se défend en affirmant qu’on ne peut pas lui attribuer les propos de son épouse. « Imaginez qu’en lieu et place du Hamas ce soient les forces israéliennes qui soient entrées à Gaza pour faire des actions similaires à celles du 7 octobre et que ma femme tweetait ’Super les Israéliens rentrent chez eux ’ qu’est-ce qu’on aurait dit ?» peste un journaliste chevronné du quotidien qui tient à conserver l’anonymat.
Benjamin Barthe affirme que lui et sa femme ne s’influencent pas forcément mutuellement. Quand on lit les articles et les prises de position sur les réseaux sociaux de Benjamin Barthe, on peut néanmoins en douter. Le rédacteur en chef adjoint des pages internationales semble littéralement obsédé par Gaza, évoquant sans cesse le « génocide » . Son portrait de Rima Hassan est de l’avis d’un journaliste « humiliant pour la rédaction » et « digne d’un attaché de presse » tant il était flagorneur.
Intitulé «le choix de l’insoumission » , le portrait louait l’« aisance », la « répartie », les « argumentaires affûtés » de la jeune femme. Rien sur ses nombreuses fake news et dérapages antisémites. Quand l’ambassade israélienne organise des projections sur les massacres du 7 octobre, Benjamin Barthe refuse de s’y rendre. Celui qui orchestre la couverture du conflit au Proche Orient au Monde exprime son « soutien » à l’islamologue François Burgat, accusé d’apologie de terrorisme après avoir déclaré : «J’ai infiniment, je dis bien infiniment plus de respect et de considération pour les dirigeants du Hamas que pour ceux de l’État d’Israël».
Le 4 mai 2024, à 10h33 Muzna Shihabi tweete « La France complice du génocide ne laisse pas rentrer un docteur palestinien pour raconter ce qu’il a vu à Gaza. » 20 minutes plus tard Benjamin Barthe tweete: « Le médecin palestino-britannique Gasshan Abu Sitta vient d’être refoulé à son arrivée à l’aéroport Charles de Gaulle ». À 13h33, un article paraît sur le site du monde, signé par Benjamin Barthe « Le médecin palestinien Gasshan Abu Sitta, témoin de l’enfer de Gaza, interdit d’entrée sur le territoire français » (NDLR : le médecin en question a été interdit d’espace Schengen par l’Allemagne, la France ne fait qu’appliquer l’état de droit). Si ce n’est de l’influence, disons que c’est de l’inspiration…
Peut-il y avoir un conflit d’intérêts au sein d’un couple ? Il se trouve que la question s’est posée pour une autre journaliste du Monde. Quelques mois après la convocation de Benjamin Barthe, la chef du service politique du Monde Ivanne Trippenbach, conjointe d’un conseiller d’Attal alors fraîchement nommé à Matignon, a démissionné de ses fonctions après l’émoi suscité en interne quant à un conflit d’intérêt qu’elle pourrait avoir avec son conjoint. Un deux poids, deux mesures qui interroge. « Tout le monde a trouvé évident qu’une femme puisse être influencée par son mari, mais qu’un homme puisse être influencé par sa femme, ça n’existe pas ? grince un journaliste de la rédaction. Et après, Le Monde va donner des leçons de féminisme ». Cette situation « n’avait rien à voir avec celle de Benjamin Barthe » nous dit la direction sans avancer davantage d’arguments.
Après plusieurs articles évoquant le cas Benjamin Barthe, notamment dans Le Point et Valeurs actuelles, et face au silence persistant de la direction, une dizaine de journalistes, parmi lesquels deux anciens directeurs de la SRM et deux chefs de service, mais aussi un prix Albert Londres décident d’adresser une lettre pour alerter la direction. Le « comité d’éthique et de déontologie du groupe Le Monde » (une instance que le journal de référence se targue d’être le seul à posséder) s’est autosaisi et a rendu un avis le 22 novembre 2024. C’est la première fois de l’histoire du journal qu’un avis était rendu sur un journaliste du Monde. Résultat ? Le comité qualifie de « campagne d’intimidation » les révélations sur la vie conjugale de Benjamin Barthe. «Rien ne vient étayer la critique selon laquelle son épouse, par ses prises de position, aurait eu une influence sur le travail journalistique de Benjamin Barthe » Circulez, il n’y a rien à voir. La publication de cet avis a été enterrée bien profondément sur le site du Monde et peu commenté. Quelqu’un l’a bien repérée toutefois. Muzna Shihabi, qui a tweeté : « Fini l’intimidation ! »
Forteresse assiégée
« Il y a un côté forteresse assiégée. Ils pensent que si Bolloré et la communauté juive nous attaquent c’est qu’on a forcément raison » soupire un cadre de la rédaction. Mais bizarrement, malgré les attaques dont il est l’objet à l’extérieur, la SRM n’a pas pris le parti de défendre Benjamin Barthe publiquement. Preuve que le malaise est bel et bien grandissant.
En l’état actuel des choses, Le Monde ne peut plus prétendre être le journal de référence, c’est une formule usurpée. C’est un journal qui porte une ligne idéologique et qui a tendance à faire silence sur le point de vue des autresDominique Reynié
« Le cas Benjamin Barthe, c’est le sparadrap du capitaine Haddock. La direction sait qu’elle a merdé, mais elle est pétrifiée » confie un journaliste. Une autre se dit attristée que le conflit n’ait pas pu se régler en interne. « Ce n’est pas un petit sujet. Tout le monde en parle dans les couloirs, mais on n’en a jamais vraiment discuté au sein de la rédaction. Pourquoi ça crispe autant ? » s’interroge-t-elle. Un autre évoque un conflit générationnel, avec une jeune génération wokisée qui suit l’agenda politique de Jean-Luc Mélenchon. « C’est la première fois qu’il y a un tel clivage générationnel au sein de la rédaction. Entre les moins de quarante et les plus de quarante ans. La jeune génération est très à gauche. » La direction serait trop faible, tétanisée par l’idée de devoir prendre un parti, incapable d’agir face aux orientations idéologiques de certains membres de la rédaction.
Contacté par Le Figaro, le directeur du Monde Jérôme Fenoglio défend Benjamin Barthe «, un excellent spécialiste du Proche Orient, visé depuis des mois par une campagne virulente qui cherche de fait à infléchir notre couverture du conflit en cours». Il défend cette dernière, dans la droite ligne « des principes qui nous guident depuis 80 ans »: « La défense indéfectible de l’existence d’Israël, enracinée dans la prise de conscience de la Shoah et dans un rejet résolu de l’antisémitisme» et « la défense des droits légitimes des Palestiniens à une autodétermination qui les conduirait à disposer de leur propre État ».
Le directeur de la Fondapol, Dominique Reynié, dont les travaux précurseurs sur l’antisémitisme arabo-musulman avaient été conspués dans le journal par l’universitaire Nonna Mayer qui l’accusait de manquer de rigueur, ne mâche pas ces mots: « En l’état actuel des choses, Le Monde ne peut plus prétendre être le journal de référence, c’est une formule usurpée. C’est un journal qui porte une ligne idéologique et qui a tendance à faire silence sur le point de vue des autres, que ce soit sur l’insécurité, l’immigration ou l’antisémitisme. Et ce avec un sentiment de supériorité morale qui le conduit à disqualifier et mépriser le travail des autres.»
Dans un forum en ligne avec les lecteurs du Monde il y a quelques mois, le Directeur délégué aux relations avec les lecteurs Gilles Van Kote avait répondu ainsi à un abonné qui l’interrogeait sur la gauchisation du journal : « Ce que je constate, c’est qu’une partie du lectorat du Monde s’est droitisée, tout comme l’ensemble de la société. Alors que j’aurais plutôt tendance à penser que Le Monde est resté fidèle à son socle de valeurs, ce qui peut conduire certains à considérer qu’il s’est gauchisé. Tout dépend donc du point de vue : est-ce le bateau qui bouge ou bien le paysage ? »
En attendant, le paquebot tangue plus qu’il ne voudrait le faire croire.
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