Cette semaine, Alexandre del Valle commence une série d’articles-feuilletons sur les “mythes fondateurs du cosmopolitiquement correct” et du “wokisme”. La première partie est consacrée à l’esclavage arabo-turco-islamique. Notre chroniqueur montre que face aux adeptes wokistes de la “déblanchisation”, de la punition permanente de l’Homme Blanc judéo-chrétien occidental sommé de s’auto-flageller pour expier des fautes passées imprescriptibles, rien n’est plus utile que de rappeler des faits historiques incontestables et d’entrer en résistance intellectuelle et psychologique.
On accable continuellement l’Occident chrétien pour son esclavagisme passé, imputable aux Blancs-Européens, notamment la « traite atlantique » ou « triangulaire », mais la vulgate politiquement correcte ne mentionne pratiquement jamais l’esclavage arabo-musulman, qui dura bien plus longtemps encore et fut bien plus meurtrier que la traite atlantique: 1200 ans pour le premier contre trois siècles pour le second… Et à la différence des élites européennes, qui à partir des Lumières ont dénoncé l’esclavage, aucune grande voie ne s’est jamais élevée jusqu’à aujourd’hui en terre musulmane pour dénoncer rétrospectivement l’esclavagisme arabo-musulman passé. Ainsi, le spécialiste de l’esclavage Tidiane N’Diaye, chercheur antillais, lui-même descendant d’esclaves, auteur de la Traite négrière arabo-musulmane,le génocide voilé[1], déplore l’amnésie des élites noires elles-mêmes, qui ont, selon lui, le plus grand mal passer d’une approche émotionnelle tiersmondiste – qui les pousse à une solidarité religieuse avec les pays musulmans qu’ils exonèrent de l’esclavage de leurs propres ancêtres -, à une vision objective et scientifique. Tidiane N’Diaye estime que l’omission de la traite négrière arabo-musulmane est une véritable injustice faite à l’Histoire, car l’oubli empêche de comprendre l’ampleur du phénomène dans son ensemble durant les 11 derniers siècles. Pour lui, le fait que la traite transatlantique ait été reconnue comme un « crime contre l’Humanité » mais pas la traite négrière arabo-islamiste, qui fut pourtant pire puisqu’elle fut un véritable génocide, constitue une aberration. L’auteur rappelle par ailleurs qu’avant même les Noirs, les premières victimes de l’esclavage furent d’abord des Blancs, en particulier des Slaves, vendus dans les pays arabo-musulmans. Fait systématiquement occulté par les Européens, si impitoyables envers leur passé, l’esclavagisme arabo-musulman et turc-ottoman a en effet pendant un millénaire visé les Blancs européens (slaves, balkaniques, grecs, latins, méditerranéens et même chrétiens anglais ou germaniques) capturés lors de razzias et de pirateries maritimes qui ne s’arrêtèrent qu’au XIX ème siècle.
Mais malgré cette réalité historique indéniable, les Européens sont les seuls à battre leur coulpe et à être accablés en permanence pour ce terrible phénomène, au niveau international. Ainsi, la Conférence mondiale de l’ONU « contre le racisme, la xénophobie et l’esclavage », tenue à Durban du 28 août au 7 septembre 2001, à l’initiative du Conseil des droits de l’Homme, et à laquelle participèrent la plupart des pays islamiques membre de l’OCI, dont des pays comme l’Arabie saoudite, n’aborda à aucun moment la question de l’esclavagisme musulman, mais il fut en revanche l’occasion de dresser un procès global et sans appel de l’Occident, supposé « islamophobe », « raciste », « sioniste » et surtout coupable ad vitam aeternam de l’esclavage. Alors que l’Occident est continuellement accablé et sommé de s’excuser pour les crimes de l’esclavage du passé, celui-ci persiste pourtant aujourd’hui encore dans certaines régions du monde, surtout dans les pays islamiques où l’esclavage du passé et du présent n’a jamais été condamné, alors qu’il fut encore plus meurtrier que dans les empires européens. Dans la péninsule arabique, le sous-continent indien, le Niger, le Mali, le Soudan, le Nigeria ou la Mauritanie, l’esclavage des Noirs non-musulmans a en effet longtemps été pratiqué et légalement autorisé, et il est parfois encore toléré. Au Soudan, par exemple, cette terrible pratique persiste. Les derniers pays du monde à ratifier l’abolition de l’esclavage ont été deux Etats régis par la Charia, qui autorise l’esclavage : l’Arabie saoudite, en 1962, et la Mauritanie en 1981. Dans son ouvrage Pêcheurs de perles, Albert Londres, racontait le trafic régulier d’esclaves en Arabie en 1925 encore. Le grand historien des civilisations et de la Méditerranée, Fernand Braudel, estimait ainsi que l’islam est « la civilisation esclavagiste par excellence », car la Traite négrière arabo-musulmane fut plus longue dans le temps et plus meurtrière que celle des Européens, qui furent de surcroit mis eux-mêmes mis en esclavage par les conquérants et razzieurs mahométans. L’Organisation internationale du travail (OIT) estime qu’aujourd’hui, 25 millions de personnes vivent encore actuellement dans des conditions assimilables à de l’esclavage, d’où le terme d’« esclavage moderne » et ces esclaves sont principalement situés en Afrique, en Asie extrême et en pays musulmans. Selon l’ONU, chaque année, deux millions de personnes sont réduites en esclavage dans le monde non-occidental (Asie, Afrique, Moyen-Orient, etc), mais personne n’a encore songé à condamner pour « crimes contre l’Humanité » tous les pays qui tolèrent l’esclavage de nos jours, comme si l’esclavage présent ou récent imputable à des non-Occidentaux était moins grave en soi que l’esclavage passé de l’Occident…
La traite négrière musulmane plus meurtrière et plus longue que la traite atlantique
A l’intérieur de la traite arabo-musulmane, on distingue trois catégories, la traite saharienne, la traite égyptienne – principalement destinée aux femmes – et la traite de Zanzibar, les deux dernières se croisant au Soudan, où des Nubiens étaient envoyés en Egypte pour les femmes et au Zanzibar pour les hommes. Il s’agissait dans tous les cas d’un véritable commerce, avec cotation, échanges triangulaires, etc, comparable en tous points à la Traite atlantique. D’après l’expert international Jean Paul Gourévitch, la seule « traite arabo-islamiste », qui ne concerne même pas l’esclavagisme de l’empire ottoman et de leurs pirates barbaresques basés en Afrique du Nord, aurait fait au bas mot onze millions de victimes, pour la seule période allant du IX ème siècle au XVII ème siècle, soit autant que la traite atlantique, à la différence près que les esclaves des musulmans arabes étaient castrés et presque tous tués, tandis que les descendants des esclaves des Européens ont pu avoir une importante progéniture et ont fini par être affranchis dans les Caraïbes, notamment, où ils ont créé une civilisation créole particulière. Dans Le Génocide voilé, Tidiane Diane explique en effet que le fait 70 millions de descendants d’esclaves africains vivent encore dans les Amériques et les îles caribéennes, alors que l’on ne retrouve presque aucune trace des descendants d’esclaves africains déportés par millions en pays musulmans arabes ou turcophones, prouve que la traite négrière musulmane fut de type génocidaire, à la différence de la traite atlantique des Blancs. C’est ainsi que, rien que pour le Sahara (« traite saharienne »), sur 9 millions de captifs victimes, on évalue à 2 millions le nombre de morts, principalement par la castration. Quant à la traite « orientale », ou égyptienne, qui sévissait près de la Mer rouge, elle fit 8 millions de victimes, dont plus de deux millions de morts par castration, soit pour les deux 17 millions de Noirs déportés ou castrés par les esclavagistes arabes. Selon Tidjiane, « la page devrait être écrite » et il conviendrait de la condamner elle aussi comme un crime contre l’Humanité, notamment parce qu’elle fut bien plus dévastatrice que la traite atlantique : pour un déporté arrivé à bon port, il fallait compter souvent trois morts. Pour l’auteur, le racisme et la volonté d’éliminer un peuple étaient manifestes et expliquent la pratique généralisée de la castration, qui permettait de supprimer toute « preuve » et toute descendance. Or sans descendants, les victimes peuvent difficilement voir leur mémoire honorée… Tidjiane rappelle par exemple que le plus grand savant et historien arabe, Ibn Khaldoun, auteur des célèbres Prolégomènes, présentait les Noirs comme plus adaptés à l’esclavage car « moins humains » que d’autres peuples et plus proches des animaux…Mais il faut préciser que si la traite négrière arabo-islamique, bien plus cruelle, a commencé plus tôt, elle a également continué bien plus longtemps que la traite atlantique européenne, puisqu’elle a duré jusqu’au XXème siècle. Elle a donc fait bien plus de victimes si l’on ajoute à ce premier chiffre ceux des captifs razziés par les Turcs et les Pirates barbaresques entre le XVIII ème et le XX ème siècle, bien après la fin de la traite atlantique.
L’esclavage islamique génocidaire et castration généralisée
La castration des captifs chrétiens ou noirs razziés par les esclavagistes musulmans, était si massive qu’elle provoqua la disparition quasi totale des populations déportées. En fait, la stérilisation des esclaves mâles avait pour but d’empêcher la natalité des captifs « infidèles ». L’industrie de la castration empêchait bien évidemment les esclaves de se reproduire sur place, de sorte que la nécessité de renouveler constamment les quotas augmentait les razzias et les achats de nouveaux esclaves. D’après al-Muqaddasî, une localité de la région d’Almeria, dans l’Andalousie islamique « tolérante », était spécialisée dans la castration de ces esclaves destinés à être ensuite employés comme eunuques dans les harems musulmans. Les eunuques devenaient aussi des soldats dans les meilleurs des cas. La « douce Al-Andalous (voir mythe d’Al-Andalous infra), dont sont nostalgiques les Etats musulmans du monde entier, alors qu’il s’agit ni plus ni moins qu’une colonisation, fut en réalité un haut-lieu de l’esclavagisme de captifs slaves, ouest-européens ou noirs …. Les esclaves européens y étaient désignés sous le terme arabe d’al-Ṣaḳāliba [2], et la civilisation nasride, qui édifia la richesse de Grenade et la splendeur de l’Alhambra, était fondée sur cette réalité dont ne s’enorgueillissent pas les adeptes du mythe de « l’Andalousie tolérante ». L’esclavage de très nombreux esclaves chrétiens blancs servait à l’extraction et le premier transport de l’or du Soudan, qui alimentait l’Espagne islamique et au transport du métal précieux à partir de l’Afrique du Nord. Et grâce aux pillages des mines d’or Sud-Soudan, cœur de l’esclavagisme des Noirs-africains par les conquérants arabes, les califes arabo-musulmans pouvaient acheter aux marchands d’esclave des captifs à prix très élevés. L’empire islamique maghrébin des Almohades, qui régna en Al-Andalous à partir de l’an 1000, fit quant à lui prospérer la piraterie et les razzias comme jamais. L’île de Majorque devint ainsi une base-arrière des pirates islamiques, qui organisaient des raids continuels vers la Corse, la Sardaigne et la Provence. Les ports de Ceuta et Melilla étaient également des repères de pirates.
Ceux qui battent leur coulpe en permanence et réservent leur indignation à la seule dénonciation de l’esclavage européen doivent savoir que les Empires arabo-musulmans, turc-ottoman, puis les pirates barbaresques maures et balkaniques, réduisirent en esclavage des millions de rebelles chrétiens, de « mauvais » musulmans », de Slaves de l’Est de l’Europe et des Noirs-africains. Les esclaves européens, principalement des slaves païens (Esclavons), furent longtemps recherchés par les califats islamiques, y compris de l’Andalousie éclairée et de Bagdad. L’Esclavonie (Slavonie actuelle, dans l’est de la Croatie), véritable réserve d’esclaves blancs, n’était pas nommée pour rien en arabe le « pays des esclaves », le mot slave venant lui aussi de cette étymologie. En fait, l’approvisionnement en esclaves européens chrétiens s’accentua lorsque les reconquêtes musulmanes, en repoussant les croisés, multiplièrent les captifs chrétiens réduits en esclavage et/ou rançonnés. Ainsi, des millions de Slaves européens et de Noirs africains mâles furent mis en esclavage, déportés et castrés massivement par les esclavagistes arabo-musulmans qui avaient toujours besoin de renouveler leur « stock », puisque ces esclaves châtrés ne pouvaient se reproduire. La logique même de l’expansion arabo-islamique requerrait un nombre grandissant de femmes captives, utiles à la fois pour les tâches domestiques et pour remplir les harems. C’est ainsi que le harem du calife Abd Ar Rahmane III, qui régna de 912 à 961 à Cordoue (Espagne), comptait à lui seul 6300 femmes captives, eunuques et domestiques, et que le palais du Calife fatimide du Caire (Egypte), grande consommatrice d’esclaves noirs, en comptait plus de 12 000. Face à ce fléau grandissant, les ordres catholiques spécialisés dans le rachat des esclaves, notamment celui des Trinitaires, fondé en Italie en 1193, les Mercedariens, fondés en Espagne en 1203, à l’origine pour libérer les Croisés captifs des musulmans, déployèrent une intense activité caritative et diplomatique.
Pendant des siècles, les fêtes populaires en Espagne, en Sicile, au Portugal ou en Sardaigne commémoraient les batailles continuelles contre les razzieurs sarrasins et barbaresques. Mais depuis quelques décennies, les rédacteurs des manuels d’histoire, les médias, les hommes politiques et les intellectuels en vogue taisent soigneusement cette réalité, non conforme à la vulgate islamiquement correcte, qui doit être niée en vertu du postulat si simpliste selon lequel « seul l’Européen aurait été esclavagiste, colonisateur et totalitaire »… Ainsi, l’asservissement, jusqu’à une date relativement récente et bien après la fin de la traite atlantique, des millions d’Européens de l’Ouest, de l’Est et du Sud capturés par les razzieurs musulmans est systématiquement passé sous silence. On pourrait comprendre la nécessité de ne pas ressasser des périodes douloureuses au nom du « dialogue des civilisations » si cet oubli concernait également les drames subis par les peuples victimes du colonialisme et des esclavagistes européens. Mais tel n’est justement pas le cas. Et l’une des caractéristiques majeures de toute manipulation et de toute désinformation est l’absence totale de réciprocité.
[1] Tidiane N’Diaye est le premier chercheur africain dont les travaux, la Traite négrière arabo-musulmane, Le génocide voilé, etc, à propos de la traite arabe ont été nominés au Prix Renaudot de l’essai en 2008.
[2] CF : Histoire générale de l’Afrique: L’Afrique du VIIe au XIe Siècle, Djibril Tamsir Niane, El Fasi (UNESCO 1990).
Source: https://atlantico.fr
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