Tribune : Quand l’ancien diplomate Gérard Araud balaie le droit international au nom de l’idéologie

Dans un contexte international où les mots pèsent aussi lourd que les armes, les déclarations d’anciens diplomates peuvent contribuer soit à la clarté du droit, soit à l’opacité des passions. Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël, à l’ONU puis à Washington, s’illustre depuis plusieurs années par une prise de parole publique intense, marquée par des positions critiques envers Israël. Ce qui pourrait relever d’une liberté d’expression ordinaire devient problématique lorsqu’un ancien diplomate, censé incarner la rigueur juridique et l’impartialité républicaine, substitue l’opinion à la norme, et l’idéologie au droit.
Un usage sélectif du droit international
Dans plusieurs interventions publiques, dont une interview donnée à The Atlantic en avril 2019 à la fin de son mandat à Washington, Gérard Araud affirmait :
« Ils [Israël] ne feront pas des Palestiniens des citoyens d’Israël. Donc il faudra le faire officiellement, ce que nous savons, c’est un apartheid. Ils sont d’ailleurs déjà un État d’apartheid. »
Ces propos, à la fois excessifs et juridiquement imprécis, ont suscité une protestation officielle d’Israël. M. Araud a depuis tenté de nuancer, expliquant viser non pas Israël en tant qu’État, mais la Cisjordanie. Cependant, depuis, ses publications sur les réseaux sociaux, notamment en 2025, persistent à présenter le conflit israélo-palestinien sous un prisme binaire, allant jusqu’à affirmer qu’en l’absence d’un État palestinien, l’alternative est l’apartheid.
« If you oppose the creation of a Palestinian state, what is the Israeli vision of the final settlement? One state with equal rights for all, one apartheid state… »
(Gérard Araud sur X, juillet 2025)
Or, cette rhétorique feint d’ignorer les fondements juridiques opposables à une reconnaissance unilatérale d’un État palestinien, et notamment l’article 80 de la Charte des Nations unies, encore en vigueur :
« Aucun des articles du présent Chapitre ne sera interprété comme affectant les droits d’un peuple ou les termes des instruments existants », c’est-à-dire ceux hérités des mandats de la Société des Nations.
Ce même mandat de 1922 engageait la communauté internationale à établir un foyer national juif en Palestine. L’article 80, appelé parfois « la clause des droits juifs », empêche tout organe des Nations unies de remettre en cause ces droits sans négociation bilatérale. S’ajoutent à cela les accords d’Oslo (1993), signés par l’OLP elle-même, qui interdisent expressément toute déclaration unilatérale d’État.
Une voix française qui tourne le dos à ses obligations morales
Il est frappant qu’un ancien ambassadeur à l’ONU – institution censée garantir l’intégrité du droit international – choisisse de renier les textes fondamentaux dès qu’ils contredisent une vision idéologique. Car en réalité, ce n’est pas Israël que Gérard Araud juge, mais une projection politique dans laquelle la légitimité historique et juridique du sionisme est niée ou minorée.
Il se présente comme un analyste impartial, mais omet sciemment les menaces existentielles qui pèsent sur Israël, les clauses non respectées par les Palestiniens eux-mêmes, et la dimension régionale du conflit. En réduisant la complexité à des slogans – « apartheid ou égalité » – il alimente une polarisation sans issue.
Un devoir de rigueur trahi – et des effets délétères sur l’opinion publique
Pire encore : en tenant régulièrement ces propos sur les chaînes de télévision où il est devenu un invité récurrent, Gérard Araud contribue activement à diffuser une vision biaisée et juridiquement infondée du conflit, renforçant les mensonges et les amalgames déjà trop présents dans le débat public. Il ne fait qu’ajouter à la confusion, à l’indignation, et parfois à la haine, dans un climat français de plus en plus fragilisé par les tensions importées du Proche-Orient.
En alimentant cette désinformation sous couvert d’expertise, il participe – qu’il le veuille ou non – à la perturbation de l’ordre public, là où un diplomate, même à la retraite, devrait au contraire éclairer le public par la force du droit, non par la caricature politique.
En résumé, Gérard Araud n’est plus une voix du droit, mais un militant qui parle au nom d’une opinion personnelle, en travestissant le langage juridique pour servir un narratif déséquilibré. Dans un monde où la légitimité des États est sans cesse remise en cause, cela revient à miner l’autorité morale du droit lui-même.
« L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. »
— François de La Rochefoucauld
M. Araud aurait mieux fait de se souvenir que dans la bouche d’un diplomate, les mots ont un prix. Et quand ce prix est la vérité, c’est toute une fonction qu’on trahit.
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