Un inquiétant climat d’antisémitisme gagne Sciences Po Paris

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Un inquiétant climat d’antisémitisme gagne Sciences Po Paris

le JDD6h

ENQUÊTE. Depuis les attaques terroristes du 7 octobre contre Israël, une recrudescence des actes antisémites est observée à Sciences Po Paris. Auprès du JDD, enseignants et élèves de l’établissement mettent en lumière la montée des tensions. « Nous représentons l’école du pluralisme », assure la direction.

Des étudiants pro-palestiniens manifestent devant Sciences Po Paris, le 29 novembre 2023 à Paris.

Le campus de Sciences Po Paris s’embrase. Il y a quelques jours, des tracts ont été distribués au sein de la prestigieuse école de la rue Saint-Guillaume à Paris, appelant au boycott d’Israël. Il y est inscrit : « Nous demandons à Sciences Po de prendre position en envoyant une communication officielle condamnant les actions d’Israël »« nous plaidons pour la cessation de tout partenariat avec des institutions qui soutiennent des idéologies sionistes », ou encore « nous appelons à un soutien indéfectible à la cause palestinienne ; Sciences Po pourrait tenir une veillée pour les martyrs ».

Dans un contexte où les actes antisémites ont bondi de 1 000% en France, les étudiants juifs sont inquiets. Ce week-end, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé aux préfets de renforcer les mesures de protection de la communauté juive, notamment autour des écoles et des lieux de culte après les événements des derniers jours à Gaza. 

À Sciences Po Paris, le climat s’est détérioré après les attaques du Hamas. Le 10 octobre dernier, des étudiants juifs ont collé des photos d’Omri Ram, un jeune Israélien tué lors du festival de musique techno à Réïm en Israël, qui avait participé à un échange universitaire à Sciences Po en 2022. Des militants pro-palestiniens ont de leur côté distribué des tracts dans les couloirs de la grande école, appelant à participer à une manifestation interdite en solidarité avec Gaza. Fin novembre, les tensions entre les deux groupes ont même conduit à des affrontements entre une cinquantaine d’étudiants.

Le 5 mars suivant, Sciences Po organise une conférence avec la militante franco-palestinienne Rima Hassan, pour qui le Hamas « mène une action légitime », comme elle l’avait déclaré dans une vidéo du média en ligne Le Crayon. Ivar Ekeland, président de l’Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (AURDIP), également invité à cette conférence et pour qui « Israël est un Etat qui pratique l’apartheid », ne lui apportera pas la contradiction. De même pour Rony Brauman, ex-dirigeant de Médecins Sans Frontières (MSF), également panéliste de cette table ronde, et connu pour ses prises de position antisionistes.

Bien peu d’élèves à la cérémonie d’hommage à Omri Ram

Un professeur qui enseigne depuis 12 ans à Sciences Po témoigne auprès du JDD, sous couvert d’anonymat,  de l’atmosphère au sein de l’établissement. Pour lui, le 7 octobre a été révélateur. « Un étudiant de l’école a perdu la vie. Une cérémonie d’hommage a été organisée. Dans mon amphithéâtre de cent personnes, seules trois personnes, toutes de confession juive, ont assisté à l’hommage. Les autres semblaient indifférentes. Au total, nous étions à peine quarante personnes lors de l’hommage dans le cloître du nouveau campus place Saint-Thomas d’Aquin. » Il ajoute : « Et parmi les non-juifs présents, nous étions en petit nombre. »

« Nous faisons face aux mêmes difficultés qu’à Harvard ou à Columbia »

Autre chose l’a frappé : les affiches de soutien aux otages israéliens collées dans l’école ont été systématiquement déchirées. « Dans le hall d’entrée du 27 rue Saint-Guillaume, un pan de mur est dédié aux associations et à l’affichage syndical. Il est complètement recouvert d’affiches All eyes on Rafah. Aucune d’entre elles n’a été retirée. Je ne prône évidemment pas leur retrait, une vie est une vie, mais il y a clairement une disparité de traitement », avance-t-il. 

Et de poursuivre : « Certains étudiants viennent à l’école en portant un keffieh sans avoir le moindre lien familial ni personnel avec Gaza alors qu’on intime à ceux qui ont des membres de leur famille ou des amis otages du Hamas de se taire. Ce deux poids deux mesures permanent est tout simplement insupportable. Tout cela découle de l’internationalisation de l’école composée de 50 % d’étudiants venant de l’étranger. Nous faisons face aux mêmes difficultés qu’à Harvard ou à Columbia. Les étudiants partagent la même vision. »

Ce deux poids deux mesures, le professeur interrogé dit également le constater au sein du corps professoral : lors de l’offensive israélienne à Gaza, des messages tels que « Génocide en cours à Gaza, mobilisons-nous » ont été diffusés dans la boucle WhatsApp des enseignants vacataires, tandis que les attaques meurtrières du 7 octobre contre les Israéliens auraient suscité l’indifférence de nombreux enseignants. « Ce qui me perturbe, c’est le déséquilibre », déplore-t-il. 

Un autre professeur, ayant enseigné plus de trente ans à Sciences Po Paris, a accepté de témoigner sous couvert d’anonymat. « Au fil des années, j’ai assisté à la convergence du wokisme avec ses déclinaisons islamogauchistes, propices à la montée de l’antisémitisme. Je suis stupéfait par l’inertie de la direction à l’égard de la conférence avec Rima Hassan », déclare-t-il.

Un « islamogauchisme » qui s’est notamment manifesté lors du Hijab Day – un événement organisé en 2016 par des étudiants de Sciences Po, qui prétendaient promouvoir la liberté des femmes à travers le port du hijab. La direction, face à ce type de phénomène, s’est montrée « étonnamment discrète », selon notre interlocuteur. D’après lui, il existe une forme d’autocensure chez les enseignants, face à des étudiants parfois « wokistes ».  

Le Printemps Républicain dénonce « un déferlement de haine »

Parmi les étudiants, Maxime Loth, représentant du Printemps Républicain à Sciences Po Paris, a rapidement pris position contre ces dérives. « Depuis le 7 Octobre, nous assistons à véritable déferlement de haine : insultes, blagues et menaces antisémites. Lors de l’hommage, des altercations physiques ont eu lieu ». Un étudiant lui a même lancé sans détour : « Le Hamas représente la libération ». À ses yeux, certains de ces activistes « inversent les rôles des victimes en prétendant que ce sont les étudiants juifs qui harcèlent les étudiants pro-palestiniens ». 

Romane (le prénom a été modifié), de confession juive, ressent quotidiennement cette atmosphère d’hostilité. Elle explique que les actions du Hamas sont décrites par certains de ses collègues comme une « résistance légitime »Sa santé mentale est en péril, nous confie-t-elle. « Par moments, j’ai songé à abandonner Sciences Po. » 

Elle adresse un appel à la direction de l’établissement : « Nous ne ressentons aucun soutien, la direction reste notablement absente des débats ». Si bien que Romane n’affiche plus sa religion et « ne partage plus rien sur les réseaux sociaux ». Elle a été confrontée à plusieurs messages antisionistes de ses camarades. « En tant que française, suis-je vraiment responsable de ce qui se passe là-bas ? », déplore-t-elle.

La direction de Sciences Po dit assurer « la liberté d’expression »

Sollicitée par le JDD, la direction de Sciences Po Paris se dégage de toute responsabilité dans l’organisation de la conférence avec Rima Hassan. La direction explique : « Cette conférence est le résultat de l’initiative d’associations étudiantes de Sciences Po, en l’occurrence Student for justice in Palestine, Solidair.e.s et Attac ».

D’après elle, l’idée d’annuler l’événement n’a jamais été évoquée. « Cela relève de notre vie étudiante. Il s’agit ni d’une conférence organisée par l’administration, ni d’une conférence académique impliquant des chercheurs et des professeurs de l’université. Les étudiants ont la liberté d’inviter qui bon leur semble, notre intervention se limite aux questions touchant à l’ordre public. » La direction estime que les points de vue des intervenants sont clairs et qu’aucune condamnation judiciaire n’a été prononcée à l’encontre de ceux-ci.

« Nous assurons la liberté d’expression, permettant à toutes les opinions de s’exprimer dans le respect de la loi et des valeurs de Sciences-Po. Nous n’avons pas à prendre position », ajoute-t-elle, précisant que les associations étudiantes organisent de nombreux événements avec des intervenants de tous horizons politiques. Et la direction d’affirmer : « Nous représentons l’école du pluralisme. On n’est pas la police de la pensée ! »

Source : http://opr.news/6f36e3d8240305fr_fr?link=1&client=iosnewseu

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