Le temps du soupçon : l’édito de Raphaël Enthoven
Le temps du soupçon : l’édito de Raphaël Enthoven
Est-il injuste de soupçonner La France insoumise d’antisémitisme ? Que reproche-t-on aux Insoumis en matière de haine des juifs ? D’avoir dit ou laissé entendre, comme Jean-Luc Mélenchon, que les juifs étaient un peuple tribal et conservateur (« on ne change rien à la tradition, on ne bouge pas, la créolisation, mon Dieu, quelle horreur ! Et tout ça, ce sont des traditions qui sont beaucoup liées au judaïsme »), que Jésus avait été mis sur la croix par ses « propres compatriotes », que des actions contre la gauche française étaient organisées « depuis Jérusalem », que le rabbinat anglais et le Likoud étaient derrière la défaite des travaillistes, que les manifestations pro-palestiniennes étaient interdites en France, et que le Crif, enfin, dictait ses volontés aux politiciens français en se servant du « rayon paralysant » de l’antisémitisme.
D’avoir reçu Salah Hamouri en grande pompe à son arrivée à Paris, en dénonçant la « déportation » d’un militant du FPLP, condamné en Israël pour avoir planifié l’assassinat d’un rabbin. D’avoir accueilli, comme Clémentine Autain, d’un « Mazel Tov ! » l’annulation de l’élection de Meyer Habib. Et d’avoir comparé, sans honte, la démocratie israélienne (où tout le monde a les mêmes droits) à l’apartheid sud-africain (où les Noirs n’avaient aucun droit).
D’avoir « pleuré », comme Danièle Obono, chaque fois que Dieudonné a été interdit de spectacle, d’avoir accepté son soutien aux législatives de 2017 (comme celui de Corbyn en 2022) et d’avoir eux-mêmes présenté des candidats dieudonnistes à la députation tout en exhumant la thèse de « l’instrumentalisation de l’antisémitisme » comme un bouclier magique chaque fois qu’on les en accuse.
D’avoir dénoncé comme « raciste » l’expulsion d’un imam antisémite, et de n’avoir pas eu (à l’exception de Bastien Lachaud) un seul mot pour les victimes de l’attentat de la rue des Rosiers le jour de son quarantième anniversaire.
Or rien de tout cela n’est illégal ! On a le droit de célébrer un ami du Hamas, de s’éclater au concert de l’immonde Roger Waters, de comparer la seule démocratie du Proche-Orient à l’Afrique du Sud des années 1980, de voir une victime en Dieudonné ou de traiter de « rescapée » la fille d’un rescapé des camps. On a même le droit de penser, comme Aymeric Caron, qu’il y a un lien entre le judaïsme de Patrick Drahi et la ligne éditoriale de BFM. Ce n’est pas malin, mais on a le droit de ne pas être malin. Si la bêtise était un crime, bien des gens seraient en prison depuis longtemps.
Pour leur défense, les Insoumis rappellent que l’antisémitisme est un délit qui se règle devant les tribunaux, mais cet argument ne tient pas : Dieudonné, Corbyn, « rescapée », apartheid, Waters, Hamouri… Il n’y a pas, là, matière à procès. Le soupçon d’antisémitisme qui pèse sur LFI est politique et non judiciaire. Quand Mélenchon écrit : « Nous ne croyons pas à un peuple supérieur aux autres », il n’est pas plus, ni moins, antisémite que le général de Gaulle parlant, en 1967, d’un « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur ». Ce jour-là, dit Raymond Aron, « le général de Gaulle a, sciemment, volontairement, ouvert une nouvelle période de l’histoire juive et peut-être de l’antisémitisme… Pas question, certes, de persécution : seulement de “malveillance”. Pas le temps du mépris : le temps du soupçon. »
Source : https://www.franc-tireur.fr/le-temps-du-soupcon-ledito-de-raphael-enthoven
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