L’hymne à la vie d’Elie Buzyn, grand témoin de la Shoah| Le Monde
L’hymne à la vie d’Elie Buzyn, grand témoin de la Shoah
A 93 ans, l’ancien déporté a raconté comment il avait survécu à l’enfer des camps, à l’occasion d’une exposition consacrée aux rescapés à Marly-le-Roi, soixante-dix sept ans après la libération d’Auschwitz.
Non, pas de bravos, surtout pas. Il ne veut pas qu’on l’applaudisse. Elie Buzyn agite sa main pour calmer le public, en se dirigeant vers la petite table éclairée au milieu de la scène. Le voilà assis dans la lumière, à côté de son petit-fils Simon, « le mathématicien », un grand jeune homme au regard bleu, chevelure noire sur les épaules. A cette image, le silence se fait. C’est le tableau vivant d’une très longue traversée, celle d’un enfant de 11 ans, plongé brutalement dans l’enfer du ghetto et des camps et qui arrive aux portes du grand âge accompagné de sa descendance, comme un miracle, comme une victoire.
L’amphithéâtre du centre culturel Jean-Vilar de Marly-le-Roi (Yvelines) compte 250 places, et il n’y en a plus une de libre, ce mercredi 12 janvier. Ce soir-là, pour le vernissage de l’exposition d’une artiste, Sylvaine Leblond, qui a tracé à la mine d’argent le portrait de douze rescapés de la Shoah devenus grands témoins, Elie Buzyn a lui-même proposé de témoigner.
Lorsqu’elle était arrivée chez lui pour la première séance de pose, sa femme, Etty, avait chuchoté à la peintre : « Il n’a pas dormi de la nuit ! » Croit-on que c’est facile, la mémoire, la transmission ? Sans doute faut-il passer par un sas, rentrer en soi-même, mettre les choses à la bonne distance. Alors, devant le public du centre culturel, Elie Buzyn plaisante un petit moment. « Je suis un jeune vieillard, je suis né le 7 janvier 1929. J’ai 39 ans… à l’envers. » Il retourne vers son enfance à petits pas, lui, le troisième et dernier d’une fratrie où son statut de benjamin le pourvoit en indulgences et en gâteries. Enfin, dans la mesure du raisonnable. Elie, le chouchou turbulent d’une famille aisée de Lodz, en Pologne, ne voit guère son père, un industriel du textile très occupé, mais voue une admiration sans bornes à son grand frère, Avram, de onze ans son aîné. Il adore sa mère, Sarah, l’âme de la maison.
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