LETTRE OUVERTE À MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Paris le 8 aout 2025

Nous, femmes et hommes, engagées sans relâche contre l’antisémitisme, l’antisionisme haineux, le racisme, le négationnisme et la glorification du terrorisme, sommes confrontés à un constat glaçant : la justice française ne suit pas.
Alors que les responsables politiques affirment à chaque nouvelle agression, à chaque nouvelle insulte, que « la République combattra l’antisémitisme sans faiblesse », dans les faits, nos plaintes sont ignorées, classées sans suite, ou enterrées pendant des mois. Même les propos les plus abjects, même les attaques les plus manifestement illégales, font l’objet de silences administratifs et de non-lieux expéditifs.
Soyons clairs : certains magistrats sont à la hauteur de la situation. Ils agissent avec courage, rigueur, et conscience de l’enjeu républicain que représente la lutte contre la haine antisémite.
À ces femmes et ces hommes de justice, nous rendons hommage.
Mais leur engagement courageux reste trop souvent isolé, freiné par une hiérarchie prudente, une doctrine de retenue, ou pire : une forme d’abandon institutionnalisé.
Nous avons saisi la justice à de nombreuses reprises : contre des élus, des activistes, des figures médiatiques, des enseignants, des étudiants, des journalistes. Combien de classements sans suite ? Combien d’absences de réponse ? Combien de procédures étouffées dans l’indifférence ?
Est-ce cela, le combat républicain contre l’antisémitisme ? Des discours solennels pour les caméras, et une complaisance bureaucratique dans les prétoires ?
La République ne peut pas dire « plus jamais ça » si elle accepte que des injures antisémites, des appels à la haine ou des négations de l’Histoire soient traitées comme de simples opinions. Elle ne peut pas proclamer sa solidarité avec les Juifs de France tout en fermant les yeux sur l’inaction du parquet.
Le pire n’est pas seulement dans les discours haineux. Il est dans le désintérêt d’État face à leur prolifération.
Et alors que les Juifs vivent sur cette terre depuis plus de vingt siècles, une réalité glaçante s’impose : la France, si elle continue ainsi, se retrouvera très probablement sans Juifs. Et que restera-t-il alors de cette phrase tant répétée – « la France sans les Juifs ne serait plus la France » – sinon un slogan publicitaire vide de sens, utilisé pour masquer l’inaction ?
Pire encore, certaines prises de position publiques émanant du plus haut sommet de l’État – souvent perçues comme déséquilibrées, univoques ou attentives à d’autres causes plus bruyantes – contribuent à nourrir le sentiment, chez de nombreux Juifs de France, que leur présence n’est plus véritablement souhaitée. Non par une déclaration explicite – il n’en est heureusement pas question – mais par l’accumulation de signaux politiques et symboliques qui finissent par produire un effet d’exclusion silencieuse.
La déclaration du Président de la République, lors d’une conférence de presse en anglais, qualifiant de « otages » des prisonniers palestiniens condamnés pour des actes terroristes et ayant du sang sur les mains, sur le même plan que les otages israéliens détenus et torturés par le Hamas, constitue à cet égard une faute morale et politique majeure. Assimiler les bourreaux à leurs victimes n’est pas un écart de langage, mais un renoncement symbolique aux valeurs les plus fondamentales de notre démocratie.
Nous demandons des actes :
- Des instructions fermes aux parquets pour poursuivre systématiquement les propos antisémites.
- Une transparence sur le nombre de plaintes classées sans suite malgré leur gravité.
- Un audit des procédures en attente depuis plus de six mois.
- La protection effective des associations qui agissent, et non leur marginalisation administrative.
Si l’État continue de promettre sans agir, alors il deviendra complice par passivité.
La haine progresse quand la justice recule. L’impunité est un poison. Il est temps de choisir entre la solennité des mots… et la vérité
0 Comments