COMMUNIQUÉ DE L’OBSERVATOIRE JUIF DE FRANCE | Réaction à la proposition de résolution n°1596 de La France insoumise, « visant à lutter efficacement contre l’antisémitisme dans le cadre de la lutte contre toutes les formes de racisme »

Paris, le 19 juin 2025
L’Observatoire Juif de France prend acte du dépôt à l’Assemblée nationale de la proposition de résolution n°1596 par les députés du groupe La France insoumise (LFI), datée du 18 juin 2025, et intitulée « visant à lutter efficacement contre l’antisémitisme dans le cadre de la lutte contre toutes les formes de racisme ».
Si l’intention affichée de lutter contre l’antisémitisme est naturellement louable et urgente dans le contexte actuel, le contenu du texte, sa philosophie générale, et son approche idéologique soulèvent de vives préoccupations quant à la sincérité et l’efficacité de la démarche.
Une dilution problématique de l’antisémitisme
Le texte inscrit l’antisémitisme dans une lecture globalisante et systémique du racisme, affirmant qu’il ne saurait être combattu qu’en tant que partie d’un « système racial hérité du colonialisme ». Cette approche, bien que théoriquement stimulante, nient la singularité historique, culturelle et religieuse de l’antisémitisme, notamment dans l’histoire de la France, de l’Europe et du judaïsme.
Le risque est clair : diluer l’antisémitisme dans un ensemble indifférencié de luttes rend invisible la spécificité des violences qui visent aujourd’hui encore les Français juifs, souvent pour la seule raison de leur identité.
L’omission manifeste de l’antisémitisme islamiste
Le texte ne contient aucune référence claire à l’antisémitisme à caractère islamiste, pourtant bien documenté par les institutions françaises, les associations communautaires, et la CNCDH elle-même. Depuis les années 2000, la majorité des agressions violentes visant des Juifs, y compris les assassinats de Sarah Halimi, Ilan Halimi ou Mireille Knoll, ont été motivées par une idéologie islamiste ou une haine d’Israël assimilée aux Juifs dans leur ensemble.
Cette omission volontaire trahit une volonté idéologique de ne pas nommer une réalité dérangeante pour certains segments de l’électorat de La France insoumise.
Une défiance implicite envers les institutions juives
Le texte remet en cause les chiffres et la méthodologie du Service de Protection de la Communauté Juive (SPCJ), insinuant que certains faits recensés comme antisémites ne le seraient pas réellement. Ce soupçon diffus alimente un discours de méfiance envers la parole juive, trop souvent accusée d’exagération ou d’instrumentalisation.
Contester la réalité des actes antisémites ou minimiser leur gravité revient à affaiblir la capacité des victimes à se faire entendre, dans un contexte où la peur d’être juif(e) en public devient une réalité quotidienne.
Un antisionisme militant présenté comme droit fondamental
Le texte insiste longuement pour affirmer que critiquer Israël ou le sionisme ne relève pas de l’antisémitisme, tout en s’appuyant sur des références clairement hostiles à l’existence même de l’État d’Israël. Cette rhétorique masque l’ambiguïté volontaire entre critique légitime et haine ciblée, et ignore le fait que beaucoup d’agressions antisémites sont aujourd’hui justifiées par une hostilité extrême à Israël, confondant Juifs et Israéliens.
L’Observatoire Juif de France rappelle que la liberté d’expression ne peut en aucun cas servir de paravent à des appels à la haine, à la violence, ou à des amalgames constants entre les Juifs et la politique d’un État.
Une inversion accusatoire et une rhétorique communautariste
En accusant l’État français de « hiérarchiser les racismes » en faveur des Juifs, la proposition alimente un récit pervers : celui d’un « privilège juif » supposé dans la lutte antiraciste. Une telle rhétorique ne fait que nourrir les fantasmes antisémites, en insinuant que les Juifs seraient favorisés, influents, ou surprotégés.
Ce discours perpétue les stéréotypes les plus anciens de l’antisémitisme moderne, et affaiblit la solidarité entre toutes les victimes de racisme.
L’Observatoire Juif de France appelle :
À un traitement spécifique, non exclusif, de l’antisémitisme, reconnu comme une forme de haine millénaire, transversale et mortelle.
Au refus de toute instrumentalisation politique des luttes antiracistes au service d’agendas idéologiques, qu’ils soient antisionistes, islamistes ou racialistes.
À un engagement clair de tous les partis républicains pour nommer les formes contemporaines d’antisémitisme, y compris islamiste ou d’extrême gauche, et pour refuser les amalgames entre critique d’un État et haine d’un peuple.
Au renforcement des moyens de prévention, de sécurité, d’éducation et de justice, pour toutes les victimes de racisme, y compris celles du racisme antijuif.
EN CONCLUSION
À l’heure où les actes antisémites connaissent un niveau historiquement élevé, où les synagogues doivent être gardées par l’armée, où des enfants juifs sont menacés dans les écoles, il est temps de faire preuve de responsabilité, de clarté morale et de courage politique.
Nous appelons les parlementaires de la République à rejeter toute proposition qui masque, relativise ou détourne la lutte contre l’antisémitisme au profit d’une lecture idéologique, et à œuvrer ensemble, au-delà des clivages, pour que les Juifs de France puissent vivre en paix, en sécurité et dans la dignité.
L’Observatoire Juif de France
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