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Qui est Pierre Hillard, l’auteur compulsif de propos antisémites qui a provoqué la dissolution de Civitas ?

En se déclarant partisan d’une déchéance de nationalité pour les juifs, il a incité le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à enclencher la dissolution du mouvement catholique intégriste. Plongée dans la pensée hallucinée d’un personnage bien connu des marges de l’extrême droite et du complotisme le plus délirant.
par Nicolas Massol
publié le 8 août 2023 à 18h49
 

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine ? «C’est une guerre de clans juifs», assène Hillard, qui voit derrière l’action de Poutine l’influence du mouvement juif des Loubavitch. L’idéologie «mondialiste» ? Elle est sous-tendue par le «noachisme», sorte de religion universelle que les juifs tenteraient d’imposer à l’humanité. «Afin de mener à bien les points défendus par la synagogue, il s’avère nécessaire de parfaire les structures politiques favorisant une gouvernance mondiale»peut-on lire dans la recension enthousiaste que fait le site Boulevard Voltaire de son livre, Chroniques du mondialisme. Luther et Calvin, au XVIe siècle ? «Ils étaient des outils utiles à la synagogue car le protestantisme est un christianisme judaïsé», répond notre homme. Robespierre, Pic de la Mirandole et le général de Gaulle ? Encore les Juifs !

 

«Auteur phare» du complotisme

Ces délires n’empêchent pas Hillard de disposer d’une certaine audience, qu’il soigne et développe au cours d’incessantes conférences et séances de dédicaces dans la plupart des librairies d’extrême droite françaises. «Il n’est pas tant dans une marge que ça, c’est quand même un des auteurs phares du complotisme. Il bénéficie de l’ancienneté puisqu’il est sur le marché depuis les années 2000», explique le politologue Jean-Yves Camus. Né en 1966, Hillard a d’abord frayé dans les milieux souverainistes. L’ex-eurodéputé Paul-Marie Coûteaux, alors proche de Charles Pasqua et Philippe de Villiers, lui préface un livre en 2001. L’année suivante, Hillard tente d’approcher Jean-Pierre Chevènement, sans succès. En 2006, il soutient une thèse de sciences politiques à l’université Paris-Descartes, mais rapidement, il consacre la totalité de ses livres au prétendu «nouvel ordre mondial», selon lui fomenté, vous l’aurez deviné, par les juifs. Une obsession qui vaut à Hillard, malgré un positionnement anti-Poutine qui le distingue d’Alain Soral, de compter parmi les intervenants réguliers de l’association antisémite Egalité & Réconciliation.

 

Pour radical qu’il soit, le personnage est cependant loin d’être isolé. Et dispose de relais eux-mêmes intégrés à l’extrême droite plus classique. Parmi eux, Thibault Kerlizin, auteur d’un rapport et d’une conférence pour le RN au Parlement européen, retweete la plupart des interventions d’Hillard, qu’il juge «toujours excellent». Son ami et fréquent compagnon de conférences, Sylvain Durain, éditeur et libraire, partage sa vision du monde quand il dénonce une «véritable infiltration juive dans les organisations mondiales telles la Croix-Rouge, les organisations autour des droits de l’homme, les ONG, et aussi (et j’aurais envie de dire surtout) l’Eglise». C’est dans la librairie nancéenne de ce dernier, en avril, qu’Eric Zemmour avait tenu une séance de dédicaces. Durain a également été invité en mars au Parlement européen par l’eurodéputée RN Dominique Bilde. Ensemble, Hillard et Durain donneront des conférences en septembre aux Journées chouannes de la librairie Chiré – «le monument annuel du catholicisme intégral le plus hardcore», selon Jean-Yves Camus. Là-bas, non loin de Poitiers, ils y côtoieront l’essayiste proche de Zemmour Patrick Buisson, ou encore un certain Juda Le Prince, journaliste à Rivarol qui, vantent les organisateurs, «vous dévoilera les meilleurs passages du Talmud que l’on s’escrime à vous dissimuler». Tout un programme.