Au Danemark, la profanation “choquante” d’un monument juif ulcère la presse
La dégradation, le 5 mai 2024, d’un monument commémorant l’aide apportée par les Danois aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale a choqué l’ensemble de la presse. Un acte qui, avec l’occupation d’un parc universitaire, traduit un durcissement du ton sur le sujet dans le royaume scandinave.
Publié le 07 mai 2024 à 14h31 Lecture 2 min.
“Tirez donc les leçons de l’histoire”, titrait un des principaux quotidiens du royaume à la une de son édition du mardi 7 mai. Pour Politiken, journal de centre gauche, il est “choquant et inquiétant” qu’un monument de Copenhague commémorant le sauvetage des Juifs danois en octobre 1943 ait été vandalisé, deux jours plus tôt, à l’occasion d’une manifestation propalestinienne.
Alors que le Danemark était occupé par l’armée allemande, près de 8 000 Juifs du royaume avaient alors pu être exfiltrés vers la Suède neutre. En 1975, une grosse pierre naturelle avait été offerte “comme un cadeau au peuple danois de la part des amis du Danemark en Israël”, ainsi que l’indique une inscription sur le monument, installé place d’Israël.
Sa dégradation – dénoncée par plusieurs membres de la coalition gouvernementale (allant des sociaux-démocrates aux libéraux) – n’a encore donné lieu à aucune arrestation par la police. Mais, pour la presse, il ne fait pas de doute que le ou les auteurs de cet acte se trouvaient parmi les manifestants qui avaient répondu à l’appel de l’organisation locale Tous dans la rue pour une Palestine libre.
Le jour anniversaire de la libération du pays
La guerre menée par l’État hébreu à Gaza peut rendre “compatissant, furieux ou simplement désespéré”, mais “une chose est sûre : elle n’a rien à voir avec le sauvetage des Juifs danois pendant la Seconde Guerre mondiale, l’un des moments les plus honorables” de l’histoire du pays, estime le même journal.
“Profaner cette pierre, c’est cracher sur les Juifs de toutes tendances politiques, les Juifs du Danemark et de tous les autres pays, les Juifs du passé et du présent”, réagit pour sa part Berlingske, de centre droit.
Même le journal national le plus à gauche, Information, juge que, s’“il y a de bonnes raisons de critiquer la guerre menée par Israël à Gaza, il n’y en a aucune de valable pour que les critiques se transforment en haine des Juifs”. Ni pour qu’on dégrade un mémorial “à la barbarie du nazisme et aux personnes qui ont risqué leur vie pour sauver les Juifs”.
Le simple fait d’avoir choisi de manifester de la sorte un 5 mai – jour anniversaire de la libération du Danemark en 1945 – était “une mauvaise décision” qui ne pouvait qu’aboutir “à un gigantesque but contre son camp pour la cause défendue par les manifestants”, souligne de son côté Jyllands-Posten (libéral).
Un parc universitaire occupé
Pour Politiken, les sympathisants propalestiniens qui occupent depuis le 6 mai un petit parc dépendant de l’université de Copenhague ont désormais “la possibilité de se rattraper”, en faisant “tout leur possible pour mettre fin à l’extrémisme”. Des manifestants qui, comme dans d’autres pays, “protestent contre l’absence de prises de position de l’université sur la guerre” menée par Israël, raconte Berlingske.
Sur X, cette institution répond qu’elle “ne prend pas et ne prendra pas position sur le conflit en cours à Gaza”.
Interrogé par l’agence de presse danoise Ritzau le 7 mai au matin, un des membres du mouvement Étudiants contre l’occupation [de Gaza] assure que les mécontents camperont là tant que l’université n’aura pas “reconnu et condamné le génocide en cours”. Ils réclament aussi “la fin de la collaboration institutionnelle avec les institutions académiques israéliennes”.
Ces événements traduisent un durcissement du ton dans le royaume, alors que la Première ministre sociale-démocrate, Mette Frederiksen, est très critiquée par certains, depuis les attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023, pour avoir soutenu Israël. Malgré une position plus nuancée adoptée depuis, elle est accueillie ici et là sous les cris de “tueuse d’enfants” lancés par des manifestants, comme le racontait Politiken en avril.
Antoine Jacob
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