Vingt-cinquième jour du procès des attentats du 13 novembre 2015| Charlie Hebdo
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Jour 25 : Revivre par les mots
CORENTIN ROUGE·LORRAINE REDAUD· MIS EN LIGNE LE 14 OCTOBRE 2021
Vingt-cinquième jour d’audience. Comme depuis trois semaines, de nombreuses personnes sont venues raconter ce qu’ils ont vécu ou témoigner sur ceux qu’ils ne côtoieront plus jamais.
EXCLU WEB
Lorsque l’on est un rescapé des attentats, on ne se décrit pas à la barre. On ne cherche pas à expliquer qui l’on est, ses qualités, ses défauts. Ce qui est dit relève de l’extérieur, presque du factuel. L’intérieur, modifié par ces événements sanglants, il est pour les proches. Ce qui définit l’être, sa singularité aux yeux du monde, laisse place au commun : « j’ai survécu comme ceux qui ont défilé à la barre avant moi ». Au fond, on ne connaît des rescapés que l’unicité de leur visage.
Pour une personne décédée en revanche, la journée se clôt avec cette funeste impression de la connaître. À la barre ont pu défiler une mère, un père, un conjoint ou encore des enfants… Le temps d’un instant, elle fait partie de notre entourage. On se sent ainsi proche de Claire, 23 ans, fauchée au Bataclan. Elle allait emménager avec son petit-ami Cyril la semaine d’après, ils étaient ensemble depuis 3 ans. Sa mère la décrit comme « attentive, chaleureuse, passionnée ». Elle venait de terminer ses études et d’empocher un CDI. Sur le grand écran derrière la cour, des photos de Claire défilent, elle semble nous fixer du regard. Sa mère n’apprendra son décès que le 17 novembre à 20h.
On aurait aimé connaître Nicolas, 37 ans, « un père aimant, un peu fantasque, un peu geek » qui laisse trois enfants derrière lui, Nino, Marius et Lazare.
Le 13 novembre 2015, ils avaient respectivement 15, 11 et 6 ans. Les deux aînés viendront à la barre rendre hommage à leur père. Leur destruction est à la hauteur de l’amour qu’ils lui portaient. Nino, qui tenait sa famille à bout de bras depuis 5 ans, a craqué récemment, en janvier. Marius a pris la relève, lui qui à 14 ans s’était fait interner en psychiatrie pour dépression sévère. Lazare, le plus jeune des trois, se ferme parfois. Il se réfugie dans son lit, devient inconsolable. Nicolas, selon son père, était un grand enfant. Il se souvient d’ailleurs d’une phrase que Nino lui avait lancé : « Mais papa, quand est-ce que tu deviendras adulte ? » Comme souvent, le malheur unit. Les membres de cette famille recomposée se sont rapprochés physiquement en déménageant, dans la douleur, en se voyant très souvent.
Le soir du 13 novembre 2015, ces gens n’étaient qu’un nombre. Par ce procès, on découvre leur vie, leurs espoirs, leurs ambitions, la plaie éternellement béante de leur absence. Et pour la deuxième fois, Farid Kharkhach, l’un des accusés, demandera à prendre la parole : « Tous les témoignages me font saigner leur cœur, voir des enfants ici… Toutes mes condoléances à ceux qui ont perdu un membre de leur famille. » •
Newsletter spéciale procès du 13 novembre 2015
Trois nouveaux dessinateurs, venus de la BD et de l’illustration, Benoît Springer, Corentin Rouge et Emmanuel Prost, suivent le procès historique des attentats de novembre 2015.
Tous les jours, vous retrouverez sur le site de Charlie leurs dessins et leurs croquis de l’audience du jour et chaque fin de semaine sur charliehebdo.fr, vous pourrez lire le compte rendu de la journaliste Sylvie Caster. Ne manquez pas ces rendez-vous pour suivre ce moment historique, comme si vous y étiez.
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Source : Charlie Hebdo
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