La maire de Chicago refuse d’être interviewée par des journalistes blancs: «Les États-Unis, victimes d’une névrose ségrégationniste»
FIGAROVOX/ENTRETIEN – Lori Lightfoot, édile de la troisième ville des États-Unis, n’autorise que les journalistes noirs et métis à l’interroger. Sous prétexte de lutter contre les discriminations, la maire de Chicago oppose les «races» et les communautés, déplore l’écrivain Rachel Khan.
Rachel Khan est juriste, scénariste, actrice et écrivain. Dans son dernier essai, Racée (L’Observatoire), elle se moque des nouvelles idéologies «décoloniales» et «intersectionnelles» qui, sous prétexte d’antiracisme, ne font, selon elle, qu’alimenter les ressentiments.
FIGAROVOX. – La maire de Chicago, Lori Lightfoot, a annoncé qu’elle n’accordera des interviews qu’aux journalistes noirs ou métis. Que vous inspire cette déclaration ?
Rachel KHAN. – Cette déclaration de la maire de Chicago n’advient pas comme ça d’un coup comme un cheveu sur la soupe. C’est la logique du dogme racialiste poussé à l’extrême, par certaines associations comme celle de Fara Khan. Depuis plus d’une trentaine d’années et c’est ce que j’évoque dans mon livre Racée, certaines personnalités afro-américaines ont pris ce genre de positions radicales.
Le caractère inédit cette fois c’est que cette déclaration vient d’une élue, d’une ville très symbolique qu’est Chicago. Cela signifie aussi que les États-Unis, sont tellement imbibés par les wokes et le communautarisme qu’ils sont désormais prêts à recevoir ce genre de propos qui divisent encore un peu plus leur société. À partir du moment où la «race» est un critère de sélection quel que soit le sujet, il n’y a pas d’autre mot que de qualifier de raciste cette parole. Cette dernière rejoue clairement une névrose ségrégationniste.
Quel est le but de refuser les interviews aux Blancs ? En sous texte cela veut dire qu’il n’y aurait que les «minorités » qui pourraient comprendre la maire ou lui poser les bonnes questions. C’est terrifiant dans ce que cela raconte. Cela veut dire que le Blanc offense, de fait et que seuls «les concernés» seraient réellement capables. La compétence première pour ce métier reviendrait ainsi à la couleur de peau.
La repentance, la culpabilisation, la bien pensance mal placée a produit des « idiots utiles » extrêmement dangereux.
Rachel Khan
Les journalistes blancs, qui ont soutenu le mouvement Black Lives Matter, vont-ils accepter cette censure ?
Il est probable qu’ils l’acceptent.
La repentance, la culpabilisation, la bien pensance mal placée a produit des «idiots utiles» extrêmement dangereux.
Nous en sommes loin en Europe mais j’ai quand même reçu, suite à la sortie de Racée, des injonctions de ce type de journalistes (hommes blancs) qui m’ont expliqué que j’étais traître à la cause. Ce qui est totalement incohérent par rapport à ce qu’ils défendent, quand il s’agit de la liberté d’expression des Noirs.
Alors, oui je pense que certains seront capables de se dire «c’est de bonne guerre, vous avez raison de vous venger, après tout ce que l’on a fait». Mais des questions demeurent : Où se trouve la réparation de l’histoire dans cela ? ; quel est le but ? ; comment en sortir de cette «race» qui déchire depuis des siècles ?
Selon vous, assiste-t-on à l’émergence d’un nouveau totalitarisme ?
C’est vrai que cela ressemble aux pires périodes de l’histoire.
Ce que l’on voit émerger surtout c’est une fissure de plus en plus grande, non pas entre les classes mais entre les races. Dire que l’on refuse un journaliste parce qu’il est Blanc c’est ouvrir une nouvelle page de l’histoire où la lutte contre les discriminations, validée par une élue, se résume au rejet de l’autre, à la vengeance et à l’humiliation. C’est extrêmement violent.
C’est parce que nous sommes libres et égaux que nous sommes tous concernés contre toutes les discriminations, toutes les injustices et c’est par ce combat en commun que nous déployons nos humanités.
Rachel Khan
Par ailleurs, dans ce monde ultra-médiatisé qu’est-ce que cela signifie ? Que nous allons avoir des médias de Noirs et des médias de Blancs, chacun parlera de sujets qui sont censés intéresser la communauté pour laquelle ils sont mis sur le marché. Il s’agit très précisément d’une logique séparatiste totalement contraire à nos principes fondamentaux et à l’universalisme. C’est l’universalisme qui est attaqué par ces courants intolérants et totalitaires. En effet, c’est parce que nous sommes libres et égaux que nous sommes tous concernés contre toutes les discriminations, toutes les injustices et c’est par ce combat en commun que nous déployons nos humanités.
Qu’un pays aussi développé puisse produire ce genre de pensée arriérée est irréel.
La crainte qui traverse tous les esprits c’est lorsque les white supremacyvont faire de même et ainsi de suite… Je ne comprends pas l’histoire qu’est en train de s’écrire les États-Unis après tout ce qu’ils ont vécu d’horreurs, j’espère juste que nous ne serons pas colonisés par cet impérialisme raciste.
0 Comments