TRIBUNE – Nour Attala : Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré ! 

Published by Observatoire Juif de France on

Par Jean Daspry / 8 août 2025

Pour “Le Diplomate”

Affaire Nour Attala
Réalisation Le Lab Le Diplo

Par Jean Daspry, pseudonyme d’un haut fonctionnaire, Docteur en sciences politiques

« La surprise est l’épreuve du vrai courage » (Aristote). Alors que nos concitoyens sont mobilisés par le chassé-croisé des vacanciers et son lot de bouchons sur les routes de France et de Navarre, l’incroyable nouvelle est tombée en ce dimanche 3 août 2025. La charmante étudiante palestinienne arrivée de Gaza le 11 juillet pour y étudier à Sciences Po Lille les bienfaits des valeurs occidentales (démocratie, État de droit, rejet de l’antisémitisme et du racisme …) s’est envolée, volatilisée pour le Qatar.[1]

Un énième miracle de la diplomatie française à mettre au crédit de son chef Jean-Noël Barrot, le ministre par qui le scandale arrive mais par qui le soulagement tombe du ciel … qatari. Les trompettes de la renommée sont aussitôt embouchées pour vanter les immenses mérites du Ministre et de ses très efficaces Services. Alléluia ! Tout va très bien dans le meilleur des mondes pour Jupiter le bien heureux qui peut poursuivre ses vacances en famille au Fort de Brégançon en toute quiétude. Au-delà des multiples satisfécits décernés illico presto à l’exécutif par notre haut clergé médiatique, la réalité parait moins rose qu’on veut bien nous le faire croire. Si cette péripétie constitue une étrange défaite de la diplomatie française, elle signe une énième victoire en chantant de la diplomatie du Qatar.

L’étrange défaite de la diplomatie française 

L’affaire a été rondement menée à la vitesse de l’éclair de notre héros de la natation, Léon Marchand. Moins d’un mois s’est écoulé entre l’arrivée en France et son départ de notre territoire à destination du très accueillant Qatar de notre passionaria palestinienne ! Bravo l’artiste ! La machine diplomatique française a parfaitement fonctionné entre l’envoi du paquet encombrant par notre très clairvoyant Consul général de France à Jérusalem et son renvoi vers d’autres cieux plus accueillants par son très efficace chef, le Ministre de l’Europe et des étranges affaires. Qui pourra, désormais, se permettre de critiquer la lenteur, la lourdeur de la machine diplomatique française avec mauvaise foi ? Seuls quelques esprits chagrins incapables de mesurer l’exploit réalisé par nos diplomuches de talent se l’autorisent. La Maison des bords de Seine peut enfin respirer et prendre des vacances amplement méritées.

Comme souvent, à y regarder de plus près avec recul et hauteur l’heureux épilogue de ce feuilleton mediatico-diplomatique, la réalité est moins brillante. L’on pourrait parler de claque, de mandale pour la France éternelle donneuse de leçons à la Terre entière devant l’Éternel. Celle évoquée par le diplomate-écrivain, Jean Giraudoux en des termes lyriques que nous citerons volontairement in extenso pour les besoins de notre présentation :

« … Laisse-moi rire quand j’entends proclamer que la destinée de la France est d’être ici-bas l’organe de retenue et de pondération ! La destinée de la France est d’être l’embêteuse du monde. Elle a été créée, elle s’est créée pour déjouer dans le monde le complot des rôles établis, des systèmes éternels. Elle est la justice, mais dans la mesure où la justice consiste à empêcher d’avoir raison de ceux qui ont raison trop longtemps. Elle est le bon sens, mais au jour où le bon sens est le dénonciateur, le redresseur de tort, le vengeur. Tant qu’il y aura une France digne de ce nom, la partie de l’univers ne sera pas jouée, les nations parvenues ne seront pas tranquilles, qu’elles aient conquis leur rang par le travail, la force ou le chantage. Il y a dans l’ordre, le calme, dans la richesse un élément d’insulte à l’humanité et à la liberté que la France est là pour relever et punir. Dans l’application de la justice intégrale, elle vient immédiatement après Dieu et chronologiquement avant lui. Son rôle n’est pas de choisir prudemment entre le mal et le bien, entre le possible et l’impossible. Alors, elle est fichue. Son originalité n’est pas dans la balance, qui est la justice, mais dans les poids dont elle se sert pour parvenir à l’équité, et qui peuvent être l’injustice … La mission de la France est remplie, si le soir en se couchant tout bourgeois consolidé, tout pasteur prospère, tout tyran accepté se dit en ramenant son drap : tout n’irait pas trop mal, mais il y a cette sacrée France, car tu imagines la contrepartie de ce monologue dans ce monologue dans le lit de l’exilé, du poète et de l’opprimé »[2].

Tout est et bien dit et résume à la perfection les errements diplomatiques de la France dans ses derniers choix sur le dossier palestinien largo sensu fondés sur des impératifs moraux et humanitaires. Ne boudons pas pour autant notre plaisir ! Cette heureuse conclusion rapide obtenue grâce à la mansuétude du Qatar, toujours lui, aura un effet positif, celui d’exonérer de leurs responsabilités tous ceux qui, à Jérusalem ou à Paris, ont fauté par candeur ou aveuglement, omettant de consulter les réseaux sociaux[3]. Ainsi, tout le monde est content et l’on pourra mettre la poussière sous les tapis feutrés du Quai des Brumes ! Mais, aussi et surtout, de permettre à notre péronnelle de poursuivre ses études grâce à la bienveillance de l’Émir et de sa mauvaise troupe.

La victoire en chantant de la diplomatie du Qatar 

Une fois encore, le Qatar, État ami de la France, tire les marrons du feu, apparaissant comme le Deus ex Machina d’un vaudeville de piètre facture ! Nous avons les « amis » que nous méritons. Il y apparait sous son vrai jour qui ne semble pas nous poser le moindre problème[4]. Ce départ précipité n’est pas seulement opportun. Il est également très révélateur. On sait que le Qatar investit beaucoup d’argent en France, notamment dans le milieu du sport et dans l’immobilier. L’argent n’a pas d’odeur surtout lorsque nous en manquons. Le PSG appartient au Qatar, pour prendre un exemple emblématique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le berceau (des rois de France) a été supprimé du logo du club dès son rachat. Le Qatar est supposé être un pays ami de la France. Nombreux sont les partenariats culturels ou militaires qui nous unissent à cette pétromonarchie. 

Et voilà qu’on fait mine de tomber des nues : un État ami, qui détient une partie significative de notre patrimoine, accueille avec joie une militante antisémite qui partage des discours du chancelier du IIIe Reich ! Ça, alors ![5] Un État qui accueille les démocrates du Hamas sur son sol, leur fournit d’importants subsides pour construire des tunnels et non pour aider la population de Gaza à vivre dignement. Peu importe ces détails ! L’important était que notre diplomatie fautive s’en sorte la tête haute avec les honneurs rendus pour services éminent rendus à la Patrie reconnaissante. Quant à la charmante dame par qui le scandale arrive, elle n’aura pas été expulsée. Elle décide de partir de France de son plein gré vers un horizon plus accueillant où l’on ne cherche pas querelle à une pauvre femme pour ses bons mots. Le Qatar pratique la diplomatie féministe dont nous sommes indignes, nous Français mesquins.

L’affaire se complique légèrement pour la France avec la diffusion par le Hamas de vidéos dégradantes de deux otages israéliens encore détenus par le Hamas[6]. Jean-Noël Barrot dénonce des « images ignobles » et déclare que « leur calvaire doit cesser, ils doivent être libérés sans condition ». Pour mieux enfoncer le clou, des responsables du Hamas se félicitent que la fiesta du 7 octobre ait conduit à la reconnaissance de la Palestine par certains États. Suivez mon regard. Une fois encore, la diplomatie française va-t-elle demander des comptes au Qatar qu’elle remercie d’avoir accueilli notre invitée encombrante ? Quand allons-nous cesser de fermer les yeux sur les agissements pour le moins coupables de cette monarchie du Golfe à l’égard de ceux et celles que nos services de sécurité et de renseignement traquent sans arrêt ? C’est bien connu de la part des diplomates, l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment (Cardinal de Retz). Le voulons-nous ? Le pouvons-nous ? Une fois de plus, des multiples inconvénients de l’art d’avoir toujours raison[7] dans la sphère diplomatique qui est loin d’être une science exacte. L’affaire Attala possède l’immense mérite de servir de révélateur aux incohérences et contradictions d’une diplomatie moralisatrice au fil de l’eau.

Les mots de la diplomatie ou la diplomatie des mots ? 

« Un ambassadeur devrait posséder auprès de son gouvernement assez d’autorité pour pouvoir le dissuader de s’engager sur une voie qui, à sa connaissance, eu égard aux circonstances locales, se révélera désastreuse » (Harold Nicolson, 1954). C’est exactement ce que l’on aurait dû attendre de notre Consul général de France à Jérusalem, le sémillant et brillant, Nicolas Kassiannides, ambassadeur, de facto si ce n’est de jure, auprès de la Palestine. Alerter Paris très en amont sur les risques sécuritaires potentiels encourus par un appel d’air inconsidéré en faveur de certains réfugiés palestiniens « problématiques ». Or, il n’en a rien été avec la bénédiction de la Direction ANMO et, vraisemblablement, du cabinet du Ministre, Jean-Noël Barrot. Tous responsables, mais pas coupables pour reprendre la formule bien connue. Des multiples inconvénients de la diplomatie de l’improvisation et de l’émotion à dimension moralisatrice ! La diplomatie est trop sérieuse pour être confiée à des amateurs ou à des idéologues peu sensibilisés aux questions de sécurité et, au-delà, de défense des intérêts bien compris de notre pays. À titre de conclusion de cette étrange défaite de la diplomatie française, nous pourrions reprendre la célèbre formule prononcée par le Général de Gaulle, le 25 août 1944 : « Paris, Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré ! » … de Nour Attala.


Les opinions exprimées ici n’engagent que leur auteur


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