TRIBUNE : Notre patriotisme ne se discute pas

Published by Observatoire Juif de France on

À chaque conflit impliquant Israël, les Français juifs sont sommés de se justifier. Comme si leur loyauté à la République devait être soumise à des épreuves qu’on n’impose à aucun autre citoyen. Comme si l’attachement à l’État juif les plaçait en dehors du cadre national. Nous refusons cette injonction à la justification permanente, et réaffirmons avec force une vérité historique et contemporaine : notre attachement à la France est indéfectible, et notre souci de la sécurité d’Israël n’en est ni le contraire, ni le concurrent.

Les Français juifs ont, à chaque étape cruciale de l’histoire contemporaine, démontré leur profond attachement à la France. Durant la Seconde Guerre mondiale, ils furent parmi les tous premiers à rejoindre le général de Gaulle. Nombreux furent ceux qui, malgré l’abandon de Vichy et les persécutions raciales, choisirent la France libre, non pas par calcul, mais par foi en une certaine idée de la France, celle qui refuse l’humiliation, la collaboration et l’indignité.

Les Juifs dans la Résistance furent présents bien au-delà de leur poids démographique. Beaucoup payèrent cet engagement de leur vie. À titre d’exemple, le réseau Marcel, les membres de la Main-d’Å“uvre immigrée (MOI), ou encore les nombreux anonymes déportés pour actes de résistance, témoignent de ce dévouement sans faille. Cet engagement patriotique s’est poursuivi après-guerre, dans tous les secteurs de la vie publique, culturelle, scientifique et économique.

Nous n’ignorons pas les choix géopolitiques de la France, notamment l’abandon d’Israël par le général de Gaulle en 1967, lorsque celui-ci renia l’alliance militaire de l’époque pour s’aligner sur une stratégie de rapprochement avec le monde arabe. Ce revirement n’a pas entamé notre loyauté à la République. Mais il a douloureusement marqué les consciences : si même le général de Gaulle pouvait tourner le dos à un allié comme Israël, que dire des autres ?

Aujourd’hui encore, chaque flambée de violence au Proche-Orient a des conséquences immédiates sur notre sol : écoles juives placées sous protection policière, synagogues attaquées, citoyens insultés ou agressés dans la rue pour le seul fait d’être juifs. Ce lien, injuste et inacceptable, entre l’actualité internationale et la sécurité des Français juifs est une réalité indéniable.

Dès lors, défendre la sécurité d’Israël, c’est aussi défendre la sécurité des Français juifs. Il ne s’agit pas d’alignement politique, mais d’un réflexe vital. Car l’antisionisme radical qui se déchaîne dans les rues de nos villes n’est que le masque nouveau d’un vieil antisémitisme.

Enfin, il faut rappeler une vérité stratégique : les intérêts de la France et d’Israël sont profondément liés. Deux démocraties attaquées par des idéologies totalitaires, deux pays ciblés par le terrorisme, deux nations qui partagent les mêmes valeurs de liberté, de justice et de souveraineté.

Notre attachement à Israël ne nous éloigne en rien de notre citoyenneté française. Il est au contraire un prolongement naturel de notre attachement à la liberté, à la sécurité et à la dignité humaine, ici comme là-bas. Et il est parfaitement compatible avec notre engagement pour la République, que nous continuerons à servir avec la même fidélité, malgré les mises en doute, les soupçons et les procès en “double allégeance”.

Et pourtant, un silence inquiétant

Il est d’autant plus insupportable que les procès en patriotisme soient systématiquement intentés aux Français juifs, souvent sous des prétextes fallacieux, alors même que d’autres forces politiques sur notre sol adoptent ouvertement des postures qui sapent les fondements mêmes de la République.

Des responsables politiques d’extrême gauche multiplient aujourd’hui les prises de position ambigües — voire complices — vis-à-vis de mouvements terroristes, remettent en cause le droit d’Israël à exister, importent le conflit israélo-palestinien dans les écoles, les universités, les syndicats, et instrumentalisent la souffrance réelle pour en faire un vecteur de haine.

Certains n’hésitent pas à justifier les massacres du 7 octobre, à manifester aux côtés de groupes appelant à la destruction d’Israël ou niant le caractère antisémite des agressions en France. Ce ne sont pas là de simples écarts de langage : c’est une remise en cause explicite des valeurs républicaines et de l’universalité du droit.

Et pourtant : silence dans la plupart des médias. Silence dans les grandes rédactions. Silence même parmi ceux qui, d’ordinaire, n’hésitent pas à brandir la “menace contre la République”. Il est permis — et même salutaire — de se poser la question : pourquoi ce silence ? Pourquoi cet aveuglement ? Pourquoi tant d’énergie à suspecter les Français juifs, et si peu à interroger ceux qui pactisent avec les ennemis de nos libertés ?

Ce renversement des responsabilités n’est pas seulement injuste. Il est dangereux. Il affaiblit l’unité nationale, il désarme la République face à ses véritables adversaires, et il alimente une forme de relativisme politique qui légitime l’intolérable.

Notre patriotisme ne se discute pas. Il s’est écrit dans le sang, le combat et la fidélité. Qu’on ne l’oublie plus.

C’est précisément dans cet esprit de responsabilité que notre association agit sans relâche pour faire respecter le droit. Car lorsque les Français juifs sont attaqués dans leur sécurité, leur dignité ou leur liberté d’expression, qui d’autre que nous saisira la justice ? Qui d’autre que nous se portera partie civile lorsque des discours haineux se propagent en toute impunité ?

Nous ne brandissons pas le droit comme une arme idéologique, mais comme un rempart républicain, pour rappeler que l’État de droit s’applique à tous, y compris à ceux qui s’attaquent à la communauté juive sous couvert d’engagement politique ou d’activisme radical.

Notre association ne défend pas une cause communautaire mais le principe même de la liberté et de la sécurité pour tous les citoyens, en commençant par ceux que l’Histoire a rendus vulnérables. Elle est l’une des rares à agir de manière concrète et structurée, devant les tribunaux comme dans le débat public, pour faire respecter la loi, la vérité et la justice.

Parce qu’à défaut de le faire nous-mêmes, personne ne le fera à notre place.

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